Clint Eastwood offre un sublime rôle à contre-emploi à Kevin Costner dans le bouleversant "Un monde parfait", dans lequel ils ne se croisent quasiment pas à l'écran. Dès le départ, le réalisateur et comédien savait que ce film représentait une grosse prise de risques.
Un monde parfait : quand un criminel s'improvise père
Après avoir fait ses adieux au western avec Impitoyable, Clint Eastwood signe un autre grand film en 1993 avec Un monde parfait. Un road movie qui débute sur l'évasion de prison de Butch Haynes (Kevin Costner) et de son codétenu. Peu de temps après s'être échappés, ils enlèvent le petit Phillip (T.J. Lowther), qui vit avec sa mère et ses soeurs. Une longue cavale débute, au cours de laquelle Butch abat son dangereux comparse.
Le criminel développe ensuite une relation particulièrement touchante avec le garçon. Il lui dévoile notamment son rêve de rejoindre l'Alaska pour retrouver son paternel. Il lui fait également fêter Halloween, Phillip ne s'étant jamais déguisé car il est Témoin de Jéhovah. Alors que les liens unissant ce tandem improvisé sont de plus en plus forts, le Texas Ranger Red Garnett (Clint Eastwood) et la criminologiste Sally Gerber (Laura Dern) se rapprochent d'eux pour coincer Butch.
Sur le territoire américain, Un monde parfait réalise des scores décevants au box-office, totalisant seulement 31,1 millions de dollars. Des recettes bien loin de celles de Danse avec les loups de Kevin Costner et Impitoyable de Clint Eastwood, qui récoltent respectivement 184,2 et 101,1 millions de dollars.
Un pari risqué pour Clint Eastwood et Kevin Costner
Pourtant, le long-métrage marque la rencontre entre deux stars à l'écran. L'un des problèmes vis-à-vis de l'accueil du film est justement le fait que les deux têtes d'affiche ne se croisent jamais, excepté dans le final poignant.
Par ailleurs, Un monde parfait présente Kevin Costner dans un rôle à contre-emploi. Celui d'un antagoniste certes attachant, mais très éloigné des héros qu'il a incarné dans Robin des Bois, prince des voleurs et Bodyguard.
Interrogé par le New York Times en 1994, Clint Eastwood explique qu'il comprend pourquoi le drame a pu prendre de court le public :
J'ai toujours eu le sentiment que ce film était une grosse prise de risques. J'ai simplement aimé l'histoire. Bien sûr, beaucoup de gens sont déçus. Mais si vous n'évoluez pas, vous vous enfermez dans une routine. Vous pouvez faire des suites et des films similaires et gagner de l'argent. Mais il faut faire une grande variété de choses pour qu'un jour les gens regardent en arrière et se disent : 'Il a essayé, il a fait ça, il a pris des risques'.
Avec ce film, le public s'attendait probablement à deux gars qui s'affrontent ou à deux amis embarqués dans une folle aventure. Ce n'est pas ce genre de films.
Un exécutif de Warner Bros. déclare de son côté à propos de Kevin Costner :
C'est un film sur un enlèvement, et il ne joue pas le bon gars. Le héros que les gens aiment voir dans les films est ici un méchant. C'est une pilule difficile à avaler, surtout à la période de Noël (Un monde parfait sort le 24 novembre 1993 aux États-Unis, ndlr).
Le scénariste John Lee Hancock ajoute que les spectateurs s'attendaient peut-être à voir les deux têtes d'affiche "boire des bières et se toiser". Malgré son échec au box-office, Un monde parfait n'empêche pas Clint Eastwood et Kevin Costner de continuer à prendre des risques. Le premier s'éloigne encore plus de son image avec des projets comme Sur la route de Madison et Minuit dans le jardin du bien et du mal, tandis que le second se casse les dents sur des longs-métrages ambitieux comme Waterworld et Postman.