Avec "Un peuple et son roi", Pierre Schoeller propose en 2018 une grande fresque intime de la Révolution française. Avec un casting d'exception et une reconstitution experte, il cherche à retrouver la chair de cet événement majeur, en filmant au plus près et avec le plus de naturel possible des destins individuels et collectifs.
Pierre Schoeller, cinéaste du corps politique
En 2018, Pierre Schoeller présente sa grande oeuvre, Un peuple et son roi. Un film historique de très grande ampleur, préparé pendant cinq ans par son réalisateur, doté d'un budget de 16 millions d'euros et d'un casting exceptionnel pour raconter la Révolution française au prisme de la relation entre le peuple de Paris et le roi Louis XVI. Une relation examinée dans son aspect charnel, son sentiment, une relation faite donc de silences, de regards, et d'éclairages qui se veulent "naturels" sur des destins.
Il y a le destin de Françoise (Adèle Haenel), jeune mère et lavandière qui va se mobiliser avec d'autres femmes. Celui de Louis XVI évidemment (Laurent Lafitte), celui de Basile (Gaspard Ulliel), jeune homme et amant de Françoise. Il y a aussi Robespierre (Louis Garrel), Marat (Denis Lavant), parmi d'autres.
Avec ses centaines de figurants, son exactitude historique, ses décors tous reconstitués en France, et donc son ambition démesurée, Un peuple et son roi raconte la vie de la France comme celle d'un corps politique, un seul et même être qui va littéralement se décapiter. Pour faire ce récit, Pierre Schoeller a voulu donner un accès direct à cet épisode fondateur de l'identité française. Il a ainsi placé sa caméra au plus près des visages et des corps des différents protagonistes et, pour les éclairer - au sens propre comme au figuré -, a tenu à travailler quasi exclusivement avec des lumières naturelles.
Pierre Schoeller : "le défi était simple : no electricity"
Film-somme sur la Révolution, drame historique intimiste, Un peuple et son roi n'est pas le film le plus accessible qui soit sur le sujet. Notamment parce qu'il s'accroche au peuple et ne le lâche pas, favorisant les plans sur les visages pour saisir les mots, les regards, les mouvements. Cette mise en scène offre cependant de magnifiques images, où les acteurs comme Adèle Haenel et Gaspard Ulliel sont sublimés par la photographie. Pour les éclairer, le réalisateur a voulu que sa démarche soit la plus authentique possible.
Julien Hirsch signe la lumière, il a fait tous mes films. Là, le défi était simple : no electricity ! Parlons des nuits : flambeaux, torches, bougies, lanternes, lueur de la cheminée ou lueur du four du verrier, lustres de la salle du Manège. Les sources sont dans le champ, et très souvent manipulées par les acteurs et figurants. Cela donne cette lumière si singulière, une lumière vivante comme les flammes, animée. Elle n’arrête pas de vibrer, de bouger sur les visages et les décors. Une lumière réactive comme un animal rebelle. Elle peut être très douce et d’autres fois très tonique. Il faut accepter la pénombre ou, au contraire, des jaillissements de clarté très forts.
Parlons des jours. Je les ai voulus lumineux comme un été. Solaires. À étudier la chronologie révolutionnaire, j’ai été frappé par la répétition de faits décisifs en juin, juillet, août. Été 89, la Bastille, été 91, la fuite à Varennes, été 92, l’insurrection de Paris et la prise du Palais des Tuileries. Été 2017, tournage du film !… Et j’ajouterai un autre détail : la salle du Manège avait de grandes fenêtres exposées plein sud. Et par chance notre décor également. D’où cette clarté chaude, estivale qui donne sa principale tonalité aux jours du film.
Un des derniers rôles de Gaspard Ulliel au cinéma
Inoubliable dans le rôle du jeune Basile, d'abord admirateur du roi avant de prendre les armes, Gaspard Ulliel conclut une année 2018 chargée, à l'affiche de 9 doigts, Eva, Un peuple et son roi et Les Confins du monde. Malheureusement disparu le 19 janvier 2022 à l'âge de 37 ans, il apparaîtra une dernière fois de son vivant en 2019 sur grand écran dans Sibyl. Ses deux derniers films, Coma et Plus que jamais, sont attendus pour novembre 2022.
Lors de notre rencontre avec l'acteur pour Un peuple et son roi, il avait eu ces mots pour le définir :
Ce qui m’a semblé singulier, de reprendre un sujet et d’y apporter un regard nouveau, en tramant l’aspect historique avec une distanciation poétique, parfois métaphysique, et une approche plus intime, humaine. Il y a les grandes figures, Marat, Robespierre, reine Audu, le roi. Mais aussi des personnages totalement fictionnels et anonymes. Il y a l’intime et le politique, et l’individuel et le collectif. C’est la somme de ces personnages qui montre que la Révolution traverse l’intégralité de la société.