En 1997, les deux acteurs alors peu connus Matt Damon et Ben Affleck jouent dans "Will Hunting", dont ils ont co-écrit le scénario. Et dans celui-ci s'est longtemps trouvée une séquence érotique très particulière, là pour une bonne raison...
Le miracle Will Hunting
En 1997, Gus Van Sant réalise Will Hunting, récit initiatique d'un jeune surdoué issu de la classe ouvrière de Boston. Supérieurement intelligent et capable d'apprendre sans effort, Will (Matt Damon) est cependant arrogant, impulsif, bagarreur et susceptible. Sur la recommandation d'un professeur de mathématiques, pour éviter une incarcération suite à une énième bagarre, il doit alors accepter d'être suivi par un psychologue (Robin Williams). Leur relation, d'abord conflictuelle, va se révéler bouleversante.
Grand succès critique et financier, Will Hunting est aussi le film qui a lancé Matt Damon et Ben Affleck, puisque les deux jeunes hommes d'alors - respectivement 27 et 25 ans - co-écrivent le scénario. Ce scénario est récompensé en 1998 par l'Oscar du Meilleur scénario original, tandis que Robin Williams repart lui avec la statuette du Meilleur acteur dans un second rôle. Matt Damon est par ailleurs nommé à l'Oscar du Meilleur acteur.
Le piège tendu par Ben Affleck et Matt Damon aux studios
L'histoire de Will Hunting, Matt Damon et Ben Affleck y tiennent. Ils prennent des conseils ça et là, notamment ceux de Rob Reiner et Francis Ford Coppola, pour affiner le scénario. Mais encore largement inexpérimentés et n'étant pas en position de force au moment de négocier, ils ne savent pas comment choisir le studio qui financera le film. Ils ont alors l'idée de glisser une fausse séquence dans la dernière partie du scénario, complètement incohérente, afin de savoir si les studios auxquels le scénario a été envoyé l'ont bien lu, et pas simplement survolé.
Dans une interview donnée au Boston Magazine en 2013, Ben Affleck racontait ainsi :
On était très frustrés que Castle Rock (premier studio qui a acheté les droits du scénario avant de les revendre, ndlr) n'ait pas lu le scénario, alors on a eu l'idée de faire ce test. On a écrit des intentions de mise en scène comme "Sean parle à Will et lui ouvre sa conscience", et puis "Will prend un moment et lance à Sean un regard émouvant, se penche et commence à le sucer..."
Le scénario tourne dans tous les grands studios, mais dans les retours qui sont faits, aucune remarque sur cette séquence. Jusqu'à ce que, par l'entremise de leur ami Kevin Smith, Ben Affleck et Matt Damon se retrouvent chez Miramax, devant Harvey Weinstein.
"Les gars, il y a juste un truc dans le scénario..."
L'ancien producteur et distributeur ne s'est lui pas laissé prendre au piège, ayant lu l'intégralité du scénario de Will Hunting. Il le racontait sur le plateau de "The Graham Norton Show" en 2015 :
Ils arrivent à mon bureau, j'avais lu leur scénario avant, on commence et tout se passe bien. Et puis au bout de dix minutes je leur dis "Les gars, il y a juste un truc dans le scénario... J'ai juste une grosse remarque. À peu près à la page 60, les deux personnages ont un rapport sexuel oral, ils sont à genoux et il y a toute cette scène de sexe... Qu'est-ce que c'est que ça ? Parce que les gars sont censés être hétérosexuels, et il n'y a aucun indice avant qui nous mène à ça... Je ne comprends pas cette scène.
Et c'est exactement ce que Matt Damon et Ben Affleck attendaient, s'assurer par cette incompréhension que le scénario avait été bien lu. Harvey Weinstein poursuit alors :
Ils me répondent : "C'est la scène qu'on a écrite pour être sûrs que les gens à votre position lisent vraiment le scénario, parce que tous les cadres de studios qu'on a vus jusque-là... Personne n'a parlé de cette scène, peut-être ils ont pensé que c'était une erreur ou alors personne ne l'a lu soi-même. Vous êtes le seul à nous en parler. Le film est pour vous.
C'est donc sur la réussite de ce "test" que Miramax obtient la production et la distribution du film sur le territoire américain. L'association porte ses fruits puisque Will Hunting collectionne les nominations et récompenses, encaisse près de 226 millions de dollars au box-office mondial, et devient l'un des plus grands succès de l'histoire de Miramax.