Dans "Coup de chance", Lou de Laâge a une liaison avec Niel Schneider, ce qui déplaît beaucoup à son mari Melvil Poupaud. À l'occasion de la sortie du film, nous avons rencontré son réalisateur Woody Allen.
Coup de chance : une liaison parisienne fatale
Pour son cinquantième film, si l'on ne compte pas son segment pour New York Stories, Woody Allen fait son retour dans la capitale française, douze ans après Minuit à Paris. Avec Coup de chance, le cinéaste revient au thriller cruel et ironique, genre auquel il s'est notamment essayé avec Match Point et Le Rêve de Cassandre. Le long-métrage débute avec les retrouvailles entre Fanny (Lou de Laâge) et Alain (Niels Schneider), qui ne s'étaient pas recroisés depuis le lycée. Elle travaille pour un commissaire-priseur et s'apprête à se marier avec Jean (Melvil Poupaud), tandis que lui est un écrivain bohème qui navigue entre plusieurs villes.
Après s'être vus à plusieurs reprises, Fanny et Alain entament une liaison. Très vite, Jean commence à se douter de quelque chose. Son orgueil en prend un énorme coup, et il met tout en oeuvre pour se débarrasser de son rival. Valérie Lemercier complète ce quatuor en prêtant ses traits à la mère de Fanny, qui se méfie de plus en plus de son gendre.
À l'occasion de la sortie de Coup de chance, nous avons échangé avec Woody Allen. Le réalisateur nous a raconté la genèse de ce projet ainsi que son plaisir de tourner en France. Il a également dévoilé le conseil qu'il donnerait à un jeune cinéaste.
Rencontre avec Woody Allen
Avec Coup de chance, vous revenez dans la capitale plus de dix ans après Minuit à Paris...
Woody Allen : C'est toujours un plaisir ! Quand je suis venu à Paris pour la première fois en 1965, j'ai tout de suite adoré la ville. Je suis revenu de nombreuses fois pour des petites choses, et des visites. Et j'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai pu tourner trois fois à Paris. La première fois, c'était pour ma comédie musicale Tout le monde dit I Love You, mais ce n'était que pour une petite partie du film. Puis j'ai tourné Minuit à Paris et maintenant Coup de chance. J'ai adoré chacune de ces expériences.
Comment avez-vous choisi vos lieux de tournage pour Coup de chance, comme les alentours des Champs-Élysées par exemple ?
Woody Allen : Pour Minuit à Paris, nous avions choisi des lieux qui pouvaient s'accorder avec les scènes se déroulant dans les années 1920. Pour Coup de chance, il fallait pouvoir retranscrire le Paris d'aujourd'hui, de manière un peu romancée. Nous n'avons donc pas eu le problème qui se posait sur Minuit à Paris. J'ai choisi des lieux que je connais, ou des lieux où des gens que je connais travaillent ou vivent. Ce sont des endroits avec lesquels je suis familier, ces parcs, ces rues, ces quartiers. Je connais par exemple quelqu'un qui travaille dans une maison de ventes aux enchères, avenue Montaigne, et qui pourrait tout à fait aller manger dans un parc à côté, comme le personnage de Lou de Laâge.
Comment l'idée de cette histoire cruelle, dans la lignée Match Point ou Le Rêve de Cassandre, est née ?
Woody Allen : Je me suis dit que l'histoire d'une femme qui a une liaison et de son mari qui la découvre, et essaie de se débarrasser de son amant, pourrait être intéressante. Et la femme ne sait pas ce qu'il s'est passé, ni où son amant est passé. Elle ne peut en parler à personne parce qu'elle voudrait que personne ne sache. Elle ne peut pas aller voir la police... Je me suis dit que ça pourrait créer des situations dramatiques intéressantes.
Je voulais faire un film ironique avec une conclusion qui allait dans ce sens, et qui disait que peu importe ce qu'on peut prévoir, la chance ou le hasard peut tout éliminer en un clin d'oeil. On a beau s'entraîner et travailler autant qu'on veut, si à un certain point on n'a pas de chance, ça ne sert à rien. Une personne qui est excellente et malchanceuse peut avoir une vie terrible. Mais une personne qui n'est pas très bonne en quoi que ce soit mais qui est chanceuse peut avoir une vie merveilleuse.
J'ai choisi mes quatre acteurs principaux (Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider et Valérie Lemercier, ndlr) un peu au hasard, depuis New York. Je ne les connaissais pas et j'ai eu énormément de chance. Ce sont quatre acteurs formidables. Ils parlent très bien anglais, ils étaient à l'écoute, tout s'est parfaitement bien passé.
Les avez-vous dirigés différemment de vos habitudes, était-ce plus difficile pour vous ?
Woody Allen : Non, je ne les ai pas dirigés différemment mais effectivement, c'est un peu plus simple pour moi à New York, par exemple. J'ai fait tellement de films à New York, je pourrais faire des films en dormant à New York. Mais sinon, c'est à peu près la même chose. On dit aux acteurs quoi faire et s'ils ne parlent pas anglais, quelqu'un leur traduit ce que je leur demande. Mais je n'ai pas eu besoin de leur dire énormément de choses, ils savent très bien quoi faire. Donc je les laisse tranquilles, je n'ai pas envie de les embêter. Je leur laisse beaucoup de liberté, je leur dis qu'ils peuvent modifier les dialogues pour être plus à l'aise. C'est pour ça que ce n'est pas très compliqué.
Vous avez déjà dit que les habitudes du public ont changé, que beaucoup de gens préfèrent aujourd'hui regarder des films chez eux plutôt qu'au cinéma. Malgré ce constat, est-ce que votre envie de faire des films est toujours là ?
Woody Allen : En tout cas, ça diminue le plaisir. J'ai parlé de ça avec plusieurs réalisateurs et ils ressentent tous la même chose. Personne n'aime travailler environ un an sur un film pour qu'il reste à l'affiche deux semaines avant d'être disponible en streaming. Personne n'aime ça. Ça rapporte plus d'argent aux financiers, mais les réalisateurs et les personnes créatives veulent que leurs films soient sur grand écran, que les gens viennent les voir ensemble et qu'ils restent à l'affiche tant que les gens continuent d'aller les voir. Donc c'est beaucoup moins excitant.
Malgré ça, est-ce que vous continuez d'écrire tous les jours ?
Woody Allen : Oui, j'écris tous les jours. Pas uniquement pour des films. J'écris pour un film seulement quand je sais que je vais avoir de l'argent pour le faire. Sinon, j'ai un script dont je ne sais pas quoi faire. Mais dès que quelqu'un me dit qu'il a de l'argent pour le faire, que ce soit à New York ou à Paris, je me mets à écrire. J'ai encore des idées pour des bons films, selon moi. Et je peux les écrire rapidement, si quelqu'un les finance.
Quels sont les films français qui vous ont inspiré ?
Woody Allen : Quand je me suis lancé dans la réalisation, au tout début, quand j'en parlais avec d'autres jeunes artistes qui aspiraient à devenir réalisateurs, nous étions tous inspirés par François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Claude Lelouch, Alain Resnais et bien sûr, Jean Renoir. Tous ces artistes étaient des cinéastes majeurs pour nous. Ils étaient inventifs et pleins d'énergie. Nous voulions faire des films comme les leurs.
Coup de chance est votre cinquantième film, si on ne compte pas votre segment pour New York Stories. Est-ce que vous auriez pu imaginer atteindre ce nombre ?
Woody Allen : À aucun moment, non. Par contre, j'ai assez d'idées pour en faire 60, encore une fois si quelqu'un accepte de les financer. Mais comme vous l'avez dit, le cinéma a beaucoup changé et ce n'est plus du tout aussi excitant que quand j'ai commencé et comme cela l'a été pendant des années.
J'ai le sentiment d'avoir eu de merveilleuses opportunités et que je n'ai pas été à la hauteur de ces opportunités. J'aurais dû faire mieux compte tenu de la liberté que j'ai eue, de l'argent que j'ai eu. J'aurais dû faire des films bien meilleurs.
Pour en revenir à la chance, j'imagine qu'il y a des artistes très talentueux dans l'industrie du cinéma, mais que les gens n'ont pas l'occasion de percevoir. Quel conseil donneriez-vous à un jeune cinéaste ?
Woody Allen : Le seul conseil que je pourrais donner, c'est de ne pas se consacrer à un projet uniquement pour l'argent, d'essayer de faire des grands films sans penser à ce qu'ils vont rapporter, sans penser aux critiques, au public, au box-office. Il faut simplement se concentrer sur le film. Et une fois qu'il est terminé, il faut le mettre de côté, ne pas y penser, ne pas le regarder et se consacrer au suivant. C'est une bonne solution pour essayer d'avoir une belle vie en faisant des films. C'est une discipline, mais je pense que c'est une bonne discipline.
Coup de chance est à découvrir au cinéma dès le 27 septembre 2023.