Mort de Jean-Luc Godard, réalisateur mythique de la Nouvelle Vague

Un réalisateur complexe et fascinant

Mort de Jean-Luc Godard, réalisateur mythique de la Nouvelle Vague

Réalisateur de "À bout de souffle" ou encore du "Mépris", et figure emblématique de la Nouvelle Vague, Jean-Luc Godard est décédé à l'âge de 91 ans. Son dernier film, "Le Livre d'image", avait remporté la Palme d'or spéciale au Festival de Cannes.

Jean-Luc Godard, à bout de souffle

Jean-Luc Godard, figure emblématique de la Nouvelle Vague aux côtés des Truffaut, Rohmer, Chabrol et autre Rivette, est décédé à l'âge de 91 ans. Une annonce confirmée par son épouse Anne-Marie Miéville et ses producteurs dans Libération ce mardi 13 septembre. Un proche de la famille aurait confié au journal que Godard "n’était pas malade, il était simplement épuisé. Il avait donc pris la décision d’en finir. C’était sa décision et c’était important pour lui que ça se sache". Rappelons qu'en Suisse, où résidait le cinéaste, l'assistance au suicide est autorisée.

Jean-Luc Godard laisse derrière lui une filmographie massive, marquée par ses œuvres les plus connues dans les années 1960. Au fil des ans, son travail était devenu de moins en moins accessible, plus expérimental jusqu'en 2018 avec Le Livre d'image, sa dernière réalisation récompensée d'une Palme d'or spéciale la même année au Festival de Cannes. Absent durant cet événement, le cinéaste avait tout de même tenu une conférence de presse via FaceTime.

Le Mépris
Le Mépris ©Carlotta Films

L'année suivante, il se livrait auprès des Inrocks dans un long entretien. Chez lui, à Rolle en Suisse, il revenait sur l'actualité, sa vie et sa carrière, révélant son sentiment détaché sur sa Palme d’or spéciale :

J’ai écrit à Thierry Frémaux pour lui dire que c’était une catastrophe. (…) Parce que quand on donne le second prix à quelqu’un, on ne cherche pas à faire croire que c’est le premier. Je crois que ça l’a fâché. Et puis, je lui ai écrit à nouveau pour lui dire qu’il ne devait pas mal le prendre, car selon Rilke une catastrophe est la première strophe d’un poème d’amour. (...) Le film a été, semble-t-il, apprécié par certains membres du jury, particulièrement Cate Blanchett, je crois. C’était gentil, mais ce n’était pas nécessaire.

Des premières œuvres mémorables

Né à Paris le 3 décembre 1930, Jean-Luc Godard débuta sa carrière dans les années 1950 en tant que critique de cinéma. Il deviendra une des plumes les plus marquantes des Cahiers du cinéma, avant de marquer le 7e art. Après plusieurs courts-métrages, son premier long À bout de souffle (1960) pose son style. Il met en scène Jean-Paul Belmondo en petit voyou face à Jean Seberg. Dedans, Godard casse déjà les codes en brisant le quatrième mur. On repense ainsi à la fameuse tirade de Belmondo "Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville... allez vous faire foutre !", ou encore le dernier plan du film, avec cette phrase "Qu'est-ce que c'est, dégueulasse ?" de Jean Seberg, face caméra.

À bout de souffle est son premier succès en France. Mais Jean-Luc Godard ne s'arrête pas là, et enchaîne les tournages durant les années 1960. Suivent ainsi Le Petit Soldat (1960) et Une femme est une femme (1961) avant Le Mépris (1963), probablement son œuvre la plus célèbre. Il y filme merveilleusement bien un couple qui s'éloigne porté par Michel Piccoli et Brigitte Bardot, en utilisant un Technicolor et un format 2.35 qui participent grandement à la beauté de son film.

Un cinéma du risque

Après cela, le public retiendra en 1964 la danse d'Anna Karina, Sami Frey et Claude Brasseur dans Bande à Part (dont Tarantino a fait référence avec sa société A Band Apart), les images marquantes de Pierrot le Fou (1965), avec le visage de Belmondo peinturluré de bleu et la présence d'Anna Karina, ou encore le duo Jean-Pierre Léaud et Chantal Goya dans Masculin féminin (1966). Mais les années qui suivent, le réalisateur s'isole de plus en plus, délaissant le cinéma dans les années 1970, avant de revenir dans les années 1980.

S'il parvient toujours à attirer des centaines de milliers de spectateurs dans les salles françaises (plus de 620 000 entrées pour Sauve qui peut (la vie) en 1980), la presse l'acclame de moins en moins. Les années 1990, 2000 et 2010 se suivent, Godard tourne encore et toujours mais n'est alors suivi que par un public restreint mais toujours intrigué par ses tentatives d'innovations, à l'image d'Adieu au langage (2014) qu'il tourne en 3D.

Jean-Luc Godard (Louis Garrel) - Le Redoutable
Jean-Luc Godard (Louis Garrel) - Le Redoutable ©Studiocanal

Rarement récompensé pour un film (César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 1987 et César d'honneur exceptionnel pour son œuvre en 1998, ainsi qu'un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 2010), Jean-Luc Godard restera un cinéaste inoubliable, caractériel, engagé et paradoxal. Une figure d'un cinéma d'auteur exigeant, rentrée également dans l'inconscient collectif. En 2017, Michel Hazanavicius dresse son portrait avec Le Redoutable qui voit Louis Garrel incarner Jean-Luc Godard.