"En 1997 j'ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes" : le producteur américain accusé de viols et d'agressions sexuelles, dans tous les esprits, s'est brutalement invité en clôture samedi soir, par la voix d'une de ses accusatrices, Asia Argento. Un temps fort du 71e Festival de Cannes.
Le secret avait été bien gardé. Au moment de présenter le prix d'interprétation féminine, l'actrice italienne, une des voix les plus virulentes contre le producteur devenu paria, est montée sur scène, délivrant un discours incendiaire.
En 1997 j'ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes. J'avais 21 ans. Ce festival était son terrain de chasse. Je souhaite prédire quelque chose: Harvey Weinstein ne sera jamais plus le bienvenu ici.
a déclaré l'actrice, avec la réalisatrice Ava DuVernay à ses côtés.
Toute une communauté lui a tourné le dos, même ceux qui n'ont jamais dénoncé ses faits. Et parmi vous, dans le public il y a ceux que l'on devrait pointer du doigt à cause de leur comportement envers les femmes, un comportement indigne de cette industrie, de n'importe quelle industrie. Vous savez qui vous êtes. Plus important encore, nous, nous savons qui vous êtes.
a-t-elle dit.
Et nous n'allons pas vous permettre de vivre dans l'impunité.
a-t-elle conclu, avant d'être applaudie par la salle. Elle a ensuite levé le poing en signe de protestation.
"Cannes n'a pas vocation à évoquer ces questions-là survenues "après la tempête", avait annoncé début avril Thierry Frémaux, le délégué général du Festival, tout en reconnaissant que ce ne serait "plus jamais" pareil, après les accusations de viols et d'agressions sexuelles portées par une centaine de femmes contre Harvey Weinstein, un grand habitué de la Croisette.
Le Festival avait joué la carte du pragmatisme en décidant de distribuer 40.000 flyers rappelant les peines maximales encourues pour harcèlement sexuel, en plus de l'installation d'une "hotline" téléphonique pendant la durée du Festival pour les témoins ou victimes d'agression sexuelle.
Il s'était en revanche gardé jusqu'ici de toute démonstration appuyée de soutien aux victimes, privilégiant un autre combat, celui de l'égalité salariale, et mettant en avant des mouvements comme Time's Up, dont fait partie Cate Blanchett, la présidente du jury.
L'affaire Weinstein ne fut ainsi pas évoquée lors de la soirée d'ouverture de Cannes, contrairement à la cérémonie des Golden Globes, où le noir était de rigueur pour marquer la solidarité avec les victimes de harcèlement sexuel.
Aux César en France, le signe de ralliement fut le port d'un ruban blanc. La cérémonie fut aussi l'occasion de lancer la campagne #MaintenantOnAgit, sur le modèle de Time's Up.
Les Oscars en début d'année avaient eux été marqués par l'apparition sur scène des actrices Ashley Judd et Mira Sorvino, qui accusent Weinstein de les avoir agressées et d'avoir ruiné leur carrière.