Pour la sortie sur Disney+ d'"Alerte Rouge", le dernier long-métrage estampillé Pixar, nous avons eu la chance de rencontrer Xavier Riffault, storyboarder français au sein du studio, qui a notamment travaillé sur le film de Domee Shi. L'occasion de parler de la méthode Pixar et de son rôle au sein du géant de l'animation.
Alerte rouge : d'adolescente à panda roux
Réalisé par Domee Shi, Alerte rouge est disponible sur Disney+ depuis le 11 mars 2022. Une nouvelle production qui raconte les aventures de Meilin Lee, une adolescente de 13 ans qui découvre qu'elle peut se transformer en immense panda roux.
Un film d'animation qui raconte les affres d'une période charnière avec humour et tendresse, comme sait si bien le faire le studio. Après Soul et Luca, le long-métrage est le troisième à sortir directement sur la plateforme de Disney.
Rencontre avec Xavier Riffault
Après avoir fait son début de carrière en France, Xavier Riffault vit aujourd'hui aux États-Unis. Après un passage chez Dreamworks, cet ancien animateur devenu storyboarder travaille aujourd'hui chez Pixar, et a notamment apporté son expertise au tout récent Alerte rouge. On a pu lui poser quelques questions :
Est-ce que tu peux rapidement expliquer en quoi consiste ton travail au sein des studios Pixar ?
Xavier Riffault : Moi je m'occupe des storyboards. Une fois que le réalisateur, ou la réalisatrice dans ce cas précis, et son scénariste ont écrit un script, mon équipe et moi sommes chargés d'imaginer ce que ça pourrait donner à l'écran. Ils font donc appel à nous, le département du storyboard, pour créer les premières images qui vont avec le script. En gros on dessine tout le film. Et cette version leur permet de voir comment l'histoire fonctionne à l'écran. Cela permet d'affiner les endroits de flou, de doute, pour que le film devienne le plus solide possible, avant de se lancer dans l'animation elle-même.
Depuis combien de temps es-tu chez Pixar, et sur quels films as-tu travaillés ?
Xavier Riffault : J'ai commencé en 2015 chez Pixar. C'était sur Coco, c'était mon premier film avec eux. Après j'ai travaillé sur Cars 3, puis sur le récent Luca. Et maintenant sur Alerte rouge.
Parmi tous ces films, quelle a été ta meilleure expérience ? Et quelle a été ta pire désillusion ?
Xavier Riffault : Pas de désillusion particulière. Ça n'a été que des bonnes expériences. Alerte rouge en a été une. Coco était également quelque chose de très fort. Aussi parce que c'était mon premier. Ça a été l'occasion d'apprendre comment fonctionne la méthode Pixar. Suivant les films, il peut y avoir des accros en cours de route. Des difficultés de production. T'as toujours des moments où ça bute un peu et qui demandent davantage de travail pour essayer de s'en sortir. Sur Alerte rouge, ça s'est quasiment déroulé sans aucun problème. C'était une progression constante. Tu as plusieurs étapes dans le processus de fabrication d'un storyboard. Tu fais de nombreuses projections d'un film au cours de sa création sur une période de 2 ou 3 ans. Et pendant tout ce temps, tu affines, tu améliores, tu fais progresser ton histoire. Chaque nouvelle version était meilleure que la précédente. C'était donc une production très agréable, fluide et tranquille.
Pourquoi avoir choisi les États-Unis plutôt que la France pour faire de l'animation ?
Xavier Riffault : Ça a surtout été des coïncidences et des concours de circonstances. Quand j'ai commencé, ça fait déjà un bon bout de temps maintenant, j'ai été engagé à Londres. Je suis d'abord passé par l'école des Gobelins, il y a plus de 25 ans maintenant. À l'époque c'était encore de l'animation traditionnelle, la 3D commençait tout juste. À l'époque, beaucoup d'anciens des Gobelins travaillaient à Londres. Un des chefs animateurs revenait fréquemment aux Gobelins pour recruter du monde. Et en fait, la production sur laquelle j'ai été engagé était la dernière à se dérouler sur le territoire londonien.
Tout le personnel sur place a été réquisitionné pour créer un nouveau studio : Dreamworks. Ils proposaient aux gens sur place de poursuivre l'aventure aux États-Unis ou non. Et moi j'ai continué.
Est-ce que ton travail a évolué au fil des ans ?
Xavier Riffault : Non, le boulot reste plus ou moins le même. Tu as les mêmes contraintes dans n'importe quel studio. Et les mêmes choses arrivent. Tu dois faire ta première version du script, puis tu reçois un retour de leur part, et tu dois changer ou pas des choses. Il faut que ta version colle à ce que le réalisateur ou la réalisatrice désire. Tu travailles en fonction des notes qu'on te donne.
La chose qui est très différente par exemple entre des studios comme Pixar ou Dreamworks, c'est l'écoute. Il y a une collaboration beaucoup plus profonde chez Pixar que chez Dreamworks. Il y a plus de conversation entre notre équipe et la directrice ou la réalisatrice chez Pixar.
Ils aiment bien avoir la créativité de notre département sous la main pour voir comment ça peut aider à améliorer un film. Dans d'autres studios, tu peux avoir une sorte de barrière, où les producteurs veulent avoir tout le contrôle. Tu ne peux pas vraiment soumettre tes propres idées. Ça a été le plus gros changement pour moi : d'avoir un véritable sentiment de faire partie d'une équipe plus large et d'être entendu.
Ton travail sur un film comme Alerte rouge dure combien de temps ?
Xavier Riffault : Pour nous, ça a duré à peu près deux ans. Sur chaque film, tu as une équipe noyau qui commence dès le tout premier jour. Et en fin de compte tu as des artistes qui arrivent en cours de fabrication. Moi sur Alerte rouge, je suis arrivé à la fin de la troisième projection. Et je suis resté jusqu'à la fin. Il y a des fois où tu pars avant la fin aussi. Après ça varie en fonction des équipes disponibles et des films.
Est-ce que ça te pose problème qu'Alerte rouge sorte sur Disney+ plutôt qu'au cinéma ?
Xavier Riffault : Quand on voit la situation actuelle avec la pandémie, c'est assez logique. Ils ont pris cette décision alors qu'on était encore en pleine vague de COVID. Il y avait encore beaucoup d'incertitudes, tu ne peux pas te permettre de lancer un film au cinéma quand il y a encore un risque que les salles fermes. L'avantage, c'est que Disney+ a été lancé au bon moment, juste avant les premiers confinements. La plateforme a donc pris un grand essor. Donc tu peux voir et revoir le film dans des conditions qui sont quand mêmes très agréables. Ce n'est pas plus mal finalement. Tu as l'ouverture d'un projet comme celui-là sur un très large public, international qui plus est. Cela dit, c'est vrai que ça aurait été quelque chose de voir le film en salle. C'est le cas sur certains territoires. Ils ont fait une sortie limitée aux États-Unis pour avoir ce plaisir dans une salle de cinéma. Mais je trouve que globalement c'est une chance d'avoir accès à toutes ces plateformes.
Quel est ton prochain projet ? C'est toujours un Pixar ?
Xavier Riffault : Ah oui, oui, toujours à Pixar sur un tout nouveau film. Mais le projet n'est pas encore annoncé au public. Et il ne le sera pas avant un certain temps. Projet secret pour le moment. (Rires)
Propos recueillis par Aubin Bouillé le 11 mars 2022