À l'occasion de la sortie de son nouveau film "Aline", nous avons rencontré Valérie Lemercier pour évoquer les secrets de fabrication de son film inspiré de Céline Dion et de sa performance d'actrice.
Avec Aline Valérie Lemercier relève brillamment le défi d’évoquer le parcours exceptionnel de la chanteuse Céline Dion, autant amoureux que glorieux, et réalise une sacrée performance d’actrice (voir notre critique). Nous l'avons rencontrée lors de la présentation du film à Bordeaux. Réconciliée avec le Québec, elle nous a tout dit de sa passion pour la femme et la star Céline Dion et de sa joie éprouvée à connaître les détails de sa vie et de celle de sa famille, à lui rendre hommage tout en prenant certaines libertés de fiction, mais surtout à s'en inspirer pour incarner son double, Aline.
Quelle est l’origine du projet et pourquoi cette fascination pour Céline Dion ?
J’ai été très touchée par les premiers pas de Céline sans René. Je me suis penchée sur sa vie, qui est un conte de fées, et j’ai adoré m’intéresser à cet écart qui existe entre l’enfance de son propre père et sa vie de petite fille non désirée par sa mère. Ce n’est pas tellement qu’ils soient 14 dans sa famille que j’ai trouvé drôle, car c’était le cas dans beaucoup de familles québécoises, mais le fait que le père ne voulait pas du tout d’enfants. Et c’est ça qui fait leur lien à tous les trois. Et je ne me lasse toujours pas de cette saga au bout de 3 ans, je suis intarissable.
Comment avez-vous intégré le Québec dans votre film ?
J’ai un petit passé désagréable avec le Québec. Mon spectacle s’est très mal passé. Air Canada avait acheté toutes les places, et tout le monde pensait voir l’imitatrice locale Claudine Mercier. Ils ont quitté la salle et je me suis retrouvée toute seule. Je n’ai jamais voulu y retourner, même pour présenter Palais Royal ou Les Visiteurs.
Le film parle de Céline mais aussi de la famille québécoise, et c’est pour ça que tous les acteurs sont québécois. Ce n’est pas tant l’accent que l’état d’esprit qui m’intéressait, même s’il y a des clins d’œil, mais je n’ai pas voulu qu’il y ait du sirop d’érable, des « tabernacle » ou des poutines. Je me suis amusée à mélanger les mots français et anglais, j’en ai même inventé, comme dans « c’est toi qui a recordé ça, Aline ? ». J’ai aussi écrit la première chanson de la famille, Les bobs et les bobettes. On a tourné à Montréal, mais surtout en France, en studio, avec tout l’équipement pour la maison qui vient du Québec. Puis on est allé en Espagne pour les scènes de la maison à Vegas et en Italie, puis à Vegas.
Avez-vous pu prendre toutes les libertés par rapport à elle et à sa vie et ne craignez-vous pas de décevoir les fans de Céline Dion ?
Je me suis autorisée plein de choses, j’en ai inventé, mais je m’en suis aussi interdit plein. Ma limite, c’était que je n’avais pas du tout envie de la trahir et qu’elle dise « jamais je n’aurais fait ça ». Avec ma coscénariste Brigitte Buc, on s'est efforcées de donner, non l’illusion, mais l’essence. J’ai essayé de la comprendre, de l’évoquer plus que de l’imiter. Je ne me suis d’ailleurs jamais autant amusée sur un film. Les fans ont pu craindre de la moquerie ou du pastiche, mais ça ne m’a jamais effleuré de faire une caricature. Je vois qu’ils sont rassurés, car ils savent que c’est un hommage.
Pourquoi ne pas avoir, comme dans les autres biopics d’artistes, mis en évidence les failles de sa vie ?
Beaucoup d’artistes ont eu un manque d’amour. Elle, c’est le contraire, c’est quelqu’un de solide. Elle a été tellement aimée qu’elle a beaucoup d’amour à revendre. Ce que je voulais montrer, c’est que ça n’a pas été si simple cette histoire d’amour et de s’aimer au grand jour, à cause de la différence d‘âge et du refus de sa mère. De même que d’avoir des enfants n’a pas été simple, son physique n’était pas simple. Mais ce que je trouve incroyable c’est qu’elle arrive à twister ce qui ne va pas. C’est ça qu’elle a d’un peu magique. Ça me fascine de voir qu’elle a toujours un peu de chance, qu’elle se crée aussi. Elle fait tout pour être célèbre et n’est absolument pas victime. C’est très rare d’avoir une artiste qui reste aussi longtemps avec la même personne, qui n’a jamais ni bu, ni fumé. C’est aussi une grande bête de scène et de travail. Il y a de la démesure dans sa vie, comme remplir un stade de 80000 personnes.
En quoi a consisté votre travail de préparation et qu'avez-vous trouvé le plus difficile à choper d’elle ?
J’ai regardé beaucoup de films, j’ai lu tous les livres sur elle mais aussi sur son père et sur sa mère, car elle a beaucoup ouvert sa maison et son cœur. C’est un équilibre à trouver. Même si je suis doublée, j’ai quand même chanté, car chanter, même en playback, c’est interpréter. Je pense que le plus difficile, c’est l’accent, je faisais un peu trop de « lâ- lâ ». Je me suis beaucoup postsynchronisée après le tournage et le montage, pour enlever certains « â ». Je suis contente d’avoir été homologuée par trois de mes collègues acteurs québécois qui ont découvert le film à Montréal. Le reste, sa façon de bouger et d’être, c’est celle d’un clown.
Grâce au morphing, vous interprétez Aline, même enfant ?
Je ne pouvais pas demander à une enfant de jouer un rôle, surtout qu’on a les enfants en tournage seulement 4 heures par jour, alors que moi on m’avait 18 heures par jour. Comme je n’ai pas non plus voulu qu’on mette ma tête sur un autre corps, on a beaucoup utilisé le morphing jusqu’à l’âge de 16 ans. J’avais aussi sous chaque costume des gaines qui me serraient très fort pour avoir un corps d’enfant puis d’adolescente. Et puis j’aime jouer les enfants, je trouve ça amusant à fabriquer et d’avoir 10 ans le matin, puis 50 le soir.
Pourquoi n’avez-vous pas envisagé d’utiliser les chansons de Céline Dion et comment avez-vous trouvé Victoria Sio, qui interprète les chansons ?
Parce qu’Aline est une autre femme, une autre voix. La voix ça ne trompe pas, c’est l’âme d’une personne. C’est miraculeux qu’on ait trouvé Victoria Sio, car Céline est une des plus grandes voix du siècle. On a fait un casting avec The Voice, qui nous a présenté cinquante voix. Quatre étaient capables de chanter les plus difficiles comme All by Myself ou Titanic. Le confinement est arrivé au moment où on avait fini le montage mais tout le mixage et toutes les voix restaient à faire. Et je viens à peine de terminer d’enregistrer les 16 chansons avec Victoria Sio, chacune d’entre elles racontant quelque chose de leur histoire d’amour. Je pense que ça a été le travail le plus difficile de tout le film.
Vous avez des points communs avec Céline ?
Oui, à un petit niveau : j’ai passé ma vie sur les planches, je sais ce que c’est que de se nourrir devant des miroirs, de remplir une salle, de devoir être en forme tous les jours. Je joue parfois 400 fois des spectacles, je n’en n’ai jamais raté ni annulé une date, même si je n’ai pas toujours bien joué. Elle a peut-être plus d’autodérision que moi, je suis sans doute plus sérieuse. Je ne la connais pas personnellement mais je suis peut-être parfois plus sombre et angoissée. Dans le film, je parle aussi un peu de la vie d’artiste et de la vie de tournée, du petit coup de blues normal et de la solitude après la scène. C’est un tel choc thermique que de se retrouver devant sa soupe après avoir été éclairées dans nos costumes.
Céline Dion dit qu’elle est très heureuse qu’un film parle d’elle mais qu’elle n’éprouvera pas le besoin de le voir, ça vous touche ?
J’attends avec impatience de la rencontrer. Je serais elle, j’attendrais un peu pour voir le film.
Propos recueillis par Sylvie-Noëlle
Aline de Valérie Lemercier, en salle le 11 novembre 2020. Retrouvez ici notre critique du film.