A l'occasion du Festival International du film d'animation d'Annecy, nous avons rencontré le réalisateur et scénariste Sergio Pablos. Venu présenter son long-métrage Klaus qui sortira pour les fêtes de fin d'année sur Netflix, le réalisateur espagnol s'est confié sur sa création.
Il y a quelques jours, lorsque le Festival international du film d'animation d'Annecy battait son plein, l'équipe du premier film d'animation estampillé Netflix venait présenter le Work in Progress du projet. Prévu pour les fêtes de fin d'année 2019, Klaus, est le récit du facteur à l'origine de la légende du Père Noël.
Comme un prequel à une histoire universelle, le film d'animation est très prometteur. Déjà, par son animation en 2D qui se veut plus traditionnelle mais également par la modernité de son histoire. Le projet, en route depuis plusieurs années, avait déjà été présenté à Annecy mais, comme la souligné son réalisateur, Sergio Pablos, lors de la présentation "aucun studio ne voulait prendre le risque de sortir un film de Noël en salles, face aux gros studios comme Disney". C'est donc face à une lucidité remarquable et à une vive passion que nous avons rencontré le réalisateur, scénariste du premier volet Moi, Moche et Méchant. Là, sur le toit du majestueux Hotel Imperial, dont la structure offre une vue imprenable sur le lac d'Annecy, nous avons échangé avec lui sur la fabrication du film, sur sa distribution via Netflix et sur ses inspirations.
Ce n'est pas votre première année au festival d'Annecy mais cette année c'est un petit particulier, non?
Je viens chaque année mais cette année c'est vraiment très particulier pour moi. Après des années à avoir travaillé sur ce film, que j'avais d'ailleurs présenté ici, alors qu'il n'était absolument pas terminé, je peux enfin avoir la fierté de le montrer au public. Enfin, il n'est pas pleinement terminé mais je sais qu'il va sortir et ça, c'est déjà énorme.
Vous êtes ici avec Netflix, qui produit et distribue votre film. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre collaboration ?
Je suis sur ce projet depuis 2010 mais personne n'en voulait. C'est un film de Noël avec une animation traditionnelle et en 2D. Aucun distributeur n'avait envie de prendre ce risque surtout qu'une sortie en fin d'année veut dire une sortie face à Disney qui domine l'animation mondial et le cinéma familial en général. C'était donc beaucoup trop risqué pour un tas de raisons dont le fait de potentiellement, passer inaperçu et donc, d'un point de vue des distributeurs, perdre de l'argent. J'ai rencontré Netflix deux fois avant que nous soyons partenaires dans ce projet. C'est donc une affaire qui a pris son temps avant de se concrétiser. L'équipe Netflix n'était, au départ, pas très emballée par le fait de produire et sortir un film d'animation qui se déroule à Noël. Alors on a tout donné pendant nos présentations et quand on leur a raconté l'histoire de ce facteur et de ces lettres... Ils étaient enfin conquis et m'ont dit : prenons le risque !
Est-ce que, lorsque vous développiez le projet, vous cherchiez un distributeur ou des studios en particulier ?
Nous sommes un studio donc nous avions "simplement" besoin de co-producteurs emballés par le projet et excités à l'idée de le développer avec nous. Nous sommes depuis longtemps un studio très indépendant, avec peu de personnel (245 personnes), nous cherchions donc des gens prêts à vivre cette aventure avec nous. C'est dans ce contexte que nous avons rencontré à plusieurs reprises les gens de chez Netflix. La première fois ils étaient assez réticents parce que c'était un film d'animation et qu'ils n'avaient pas l'habitude d'en produire mais nos conversations, et la demande à laquelle ils faisaient face, notamment leur nombre croissant d'abonnés, nous ont mis sur la même longueur d'onde.
« Aucun distributeur n'avait envie de prendre ce risque »
Netflix a une distribution peu conventionnelle, surtout ici en France, est-ce que ça vous a d'abord dérangé ?
Vous parlez du fait que les films ne sortent pas en salles ? Pas tellement. Surtout pour ce projet. C'est un film familial, à regarder pendant les fêtes de fin d'année, alors quoi de mieux que de se trouver avec les gens qu'on aime, couvert d'un plaid, avec un bon chocolat chaud (rires). Je suis tombé amoureux des films d'animation en salles mais en toute honnêteté c'est parce que je n'avais pas d'autres moyens d'en voir. De plus, parfois on travaille, comme c'est mon cas, sur des films qui sont destiné à une diffusion en salles, qui y sont un moment donné ou à un autre mais avec un nombre de copies très faible et noyés dans une programmation dense. C'est finalement, au sein de ce projet, une chance, d'être accompagné par une plateforme comme Netflix.
Klaus parle des traditions de Noël, est-ce que vous pouvez nous donner les vôtres ?
Cela peut sembler vraiment étrange mais je crois que je n'ai mis aucune de mes propres traditions de Noël dans ce film. J'avais envie d'avoir un regard plus large, qui n'était pas auto-centré et qui pouvait parler au plus grand nombre. La seule tradition que j'avais, c'était de regarder des films de Noël en boucle et je crois que c'est ce qui m'a poussé à en faire un, à ma façon.
Nous sommes au cœur du plus grand festival d'animation, on aime donc poser cette question qui anime une certaine flamme en nous : quels sont les films qui vous ont marqué et inspiré ?
J'attends toujours cette question avec impatience et avec un peu de peur (rires). Comme si je jouais ma vie ! Je me souviens de mes vacances en famille, quand j'étais plus jeune, où nous allions dans des villes où il n'y avait qu'un petit cinéma de quartier. Celui dont je me souviens nettement c'est Le Livre de la Jungle des studios Disney. J'en suis ressorti marqué à tout jamais. Fasciné par l'image.
Peut-être que c'est en grande partie ce film qui vous a donné envie de créer cet univers sur Klaus ? La lumière et l'animation sont finalement assez proches.
Oui, c'est vrai. La plupart des films Disney ont cette capacité à évoluer avec leur époque et les technologies qu'elle propose. Ceci étant dit ils ont toujours eu l'intelligence, et la passion, de garder l'animation traditionnelle au centre de leurs créations. Sur Klaus on avait envie de faire "comme si" les nouvelles technologies n'avaient pas envahi nos créations. On s'est dit : si il n'y avait pas eu autant d'avancées, comment seraient les films d'animation aujourd'hui ? C'est une piste de réflexion que nous avons gardée pendant toute la production et c'est, à mon sens, ce qui rend le film particulier.
Propos par recueillis Pauline Mallet lors du Festival international du film d'animation d'Annecy.
Klaus de Sergio Pablos, disponible sur Netflix pour les fêtes de fin d'année 2019. Ci-dessous un extrait du Work in Progress.