Avec "Les Éternels", Chloé Zhao fait souffler un vent de nouveauté sur le MCU en introduisant dix super-héros. Un long-métrage auquel elle a insufflé toute sa sensibilité. Pour la sortie du film, rencontre avec la réalisatrice oscarisée.
Les Éternels : Chloé Zhao débarque chez Marvel
En trois longs-métrages, Chloé Zhao est devenue l’un des nouveaux visages du cinéma indépendant américain. Récompensée en début d’année par l’Oscar de la Meilleure réalisatrice pour Nomadland, également auréolé du trophée de Meilleur film, la cinéaste change de registre en rejoignant l’imposant Marvel Cinematic Universe.
Avec Les Éternels, fresque épique aux accents de science-fiction, Chloé Zhao introduit dix nouveaux super-héros, interprétés notamment par Salma Hayek, Angelina Jolie, Gemma Chan ou encore Richard Madden. Des êtres mythiques qui, s’ils ne sont pas humains, sont traités avec la même sensibilité que les personnages de The Rider ou Les Chansons que mes frères m’ont apprises. À l’occasion de la sortie du blockbuster, la réalisatrice a évoqué avec nous le défi que représente ce projet, la difficulté de gérer une telle production et la direction d’un casting prestigieux.
Rencontre avec Chloé Zhao
Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises, The Rider et Nomadland, Les Éternels diffère de vos précédents projets par bien des aspects. Avez-vous abordé le film avec la même approche ou d’une autre manière ?
Chloé Zhao : Avec la même. Je pense que c’est la même dans le sens où je l’ai développé avec le cœur. C’est la seule façon dont je sais faire les choses. Bien sûr, j’ai appris de nouvelles techniques, de nouvelles façons de travailler, j’ai élargi mon imagination. Mais tout vient du cœur et j’aime me dire que tout part du même endroit.
Quel a été le plus gros défi pour vous sur Les Éternels ? Gérer la multitude de personnages ? Les effets spéciaux ?
C. Z. : Les effets spéciaux, c’est la meilleure partie ! J’ai adoré travailler dessus parce que j’ai grandi en voulant devenir animatrice. Donc, d’être capable d’imaginer quelque chose et de créer des scènes en images de synthèse, j’ai adoré. J’aimerais en faire plus. Le plus gros défi pour moi a été la patience parce que quand on prend une décision sur un plus petit film, le résultat peut arriver très vite. Mais quand on veut changer d’objectif sur un monstre qui n’existe pas, il faut environ 500 personnes et deux semaines. (Rires) Il faut être patient et concis avec ce que l’on veut.
Les Éternels apporte une émotion singulière, qui vous appartient, au Marvel Cinematic Universe…
C. Z. : Je pense que c’était important pour Marvel. Je pense que c’est pour ça qu’ils m’ont engagée, qu’ils ont engagé Destin (Daniel Cretton, ndlr), Taika (Waititi, ndlr), Ryan (Coogler, ndlr) et James (Gunn, ndlr). Kevin Feige comprend qu’avec ce genre identifié, il faut se renouveler perpétuellement pour ne pas s’effondrer. Pendant la production, il m’a constamment poussé en avant. Quand j’ai par exemple essayé de me raccrocher à des personnages familiers, peut-être pour faire un caméo, il me disait tout le temps : "Non, non. Nous devons essayer de nouvelles choses".
Le cahier des charges et la production d’un film du MCU sont-ils effrayants ?
C. Z. : Il y a évidemment des moments effrayants. Je vais vous donner un exemple. Quand on se retrouve dehors, au milieu de nulle part, et que vous avez 10 acteurs – certaines des plus grosses stars au monde – et 700 personnes qui attendent, qu’il est 14 heures, qu’ils vous regardent et que vous dites : "Non, on ne tournera pas avant 17h30". (Rires) Et tout le monde est là : "D’accord, on ne tourne pas. Mais de l’argent part en fumée". Et là, on vient me demander : "Est-ce qu’on peut s’il te plaît tourner à 16h30 ?" "Non." Parce qu’ensuite, il ne nous reste qu’une heure et demie pour finir une grande scène, et tous les acteurs n’ont qu’une ou deux prises à faire, mais la lumière est parfaite. Ça, c’est effrayant. Mais on a toujours respecté les délais !
Jusqu’à présent, vous avez majoritairement dirigé des acteurs non professionnels. Qu’est-ce que cela change, de diriger un casting comme celui des Éternels ?
C. Z. : Je pense qu’une chose que les gens ne savent pas sur le fait de travailler avec des acteurs non professionnels, c’est que ce sont les superstars de leur propre vie. (Rires) Si Brady (Jandreau, l’acteur principal de The Rider, ndlr) a besoin d’aller s’occuper d’un cheval, nous devons tous nous arrêter. La grosse différence, ce que j’apprends avec les acteurs, c’est qu’ils ont parfois davantage besoin de moi, de mon attention. Les acteurs non professionnels, pas tellement. Quand on dit "Coupez !", ils retournent à leur vie. Les acteurs, je dois leur accorder plus d’attention.
C’est un peu moins spontané ?
C. Z. : Ce que je dirais, c’est qu’ils ont tous été choisis parce qu’il y a quelque chose à propos d'eux que je veux capturer à l’écran. Il y a en réalité pas mal d’improvisation dans le film. Et en plus de cela, ils ont eux-mêmes choisi leurs costumes, ils ont… Par exemple, pour Phastos, ses pouvoirs, Brian (Tyree Henry, ndlr) est arrivé avec sa propre gestuelle. J’ai choisi les acteurs, je leur ai donné le périmètre et je les ai laissés jouer. Nous n’avons pas répété. Et quand ils arrivaient sur le plateau, j’adorais leur dire de me montrer qui ils sont. Et après, j’ajustais. C’est très similaire avec ma façon de travailler sur les précédents films.
Vous connaissiez les comics des Éternels ?
C. Z. : Non, je ne connaissais pas. Je crois que peu de gens connaissent très bien ces comics. Mais quand je suis arrivée sur le projet, j’ai lu ceux de Jack Kirby et Neil Gaiman, et je les ai trouvés très intéressants.
Comment vouliez-vous retranscrire cet univers à l’écran ?
C. Z. : Nous voulions apporter un niveau de réalisme, nous voulions que le public croie en ces héros qui ont parcouru la Terre pendant 7000 ans. Il fallait que ça corresponde à la palette naturelle de notre planète. En cela, nous avons pris une certaine liberté par rapport au design original, mais nous avons essayé de lui rendre le plus possible hommage à travers les formes et les couleurs.
Les Éternels, en salle le 3 novembre 2021. Découvrez ci-dessus la bande-annonce.