A l'occasion de la sortie du Ciel étoile au-dessus de ma tête, rencontre avec les deux acteurs principaux : Camille Chamoux et Laurent Poitrenaux.
C'est ce mercredi qu'est sorti sur nos écrans un "feel good movie" à la française : Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête. Dans cette fiction onirique réalisée par Ilan Klipper, un écrivain appelé Bruno et vivant rattaché à sa gloire passée se retrouve au cœur d'une intervention. Intervention pendant laquelle ses parents, son ex-femme, son meilleur ami et une psychologue - Sophie - vont tenter de l'aider à sortir la tête de l'eau. Dans le rôle de cet écrivain au fort caractère, Laurent Poitrenaux. Dans celui de la psychologue en charge de ce "patient" un peu particulier, Camille Chamoux. A l'occasion de la sortie du film, CinéSérie a pu rencontrer les deux acteurs au Terrass'' Hôtel du 18ème arrondissement de Paris.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de tourner dans ce film si particulier, mélange d'onirisme, de réalisme avec énormément de temporalité ?
Laurent Poitrenaux : Moi, c'est parce que c'était le premier rôle (rires). En réalité, je n'avais pas tout de suite compris qu'on me proposait le premier rôle. Mais j'ai tout de suite adoré le scénario, il y a un vrai ton, très étrange, iconoclaste même. Je suis ensuite allé voir le travail de Ilan Klipper, le réalisateur, ses documentaires, dans lesquels il tissait déjà son propre univers. La fiction est un moyen de parler des obsessions de ses autres films. Puis j'ai trouvé le scénario très drôle.
Camille Chamoux : Pareil de mon côté, j'ai fait la même enquête sur les documentaires d'Ilan. J'ai vu un film qu'il avait co-réalisé il y a un moment, Commissariat, et je trouvais déjà son univers très intéressant. Puis je trouve qu'il y avait dans le scénario un thème extrêmement profond et très peu abordé - surtout avec autant d'humour ! Il faut dire que j'ai un souci avec ce qui est dénué d'humour et, malheureusement au ciné, les films catégorisés "auteurs" ont très peu d'autodérision. Là, j'ai été surprise : le film réconcilie un peu les deux et ça a été pour moi un gros point positif, la rareté.
C'est aussi un film choral avec beaucoup de personnages hauts en couleur. Comment compose-t-on avec autant de talents - je pense par exemple à la très talentueuse mais discrète Marilyne Canto.
Laurent Poitrenaux : Ce qui était beau, c'était les intuitions d'Ilan. Il appelle les gens et on voit une famille se composer de manière épatantes entre Frank Williams et Marilyne Canto, François Chattot et Michèle Moretti... c'était incroyable ! Puis tous les petits rôles étaient bien choisis jusqu'à former une troupe très émouvante. Le tournage a duré douze jours mais j'ai eu l'impression que c'était beaucoup plus long tant on s'était bien trouvés. François Chattot par exemple, c'est un homme de théâtre que je connais depuis un moment comme spectateur. Alors l'avoir comme père face caméra était quelque chose d'excitant. J'ai aussi trouvé Ilan très intéressant dans sa démarche d'aller chercher des gens différents pour partir à l'aventure !
Camille Chamoux : De mon côté, j'ai été porté par cette avalanche de talents. Il y a une vraie émulation dans ce troupe improvisée comme l'a si bien dit Laurent. On était tous très heureux d'inventer, de travailler notre partition, de répéter ensemble... En gros, on était tous tirés vers le haut, il y avait un vrai niveau de jeu.
Laurent Poitrenaux : Par exemple, et ça on ne le voit pas dans le film à cause du montage, mais la scène pendant laquelle tout le monde se trouve face à mon personnage pour lui dire ses vérités... On a tourné ça en plan séquence de 8 minutes et chacun avait des tartines de textes. Moi, qui suis du théâtre, impressionnait le reste des acteurs car j'étais capable de dire plus de cinq phrases d'affilé (rire). Je fais parfois des monologues d'1h30, apprendre n'est pas le plus compliqué. Pendant ce plan séquence de 8 minutes, c'était les interactions entre les personnages. On a réitéré l'expérience plusieurs fois et c'était toujours en on shot, c'était très émouvant de tous se sentir impliqués.
On sent également qu'Ilan vous fait rentrer dans son univers. L'appartement où se déroule l'intrigue ressemble à une antre de la folie. Comment s'est passé cette rencontre avec l'imagination d'Ilan dont c'est la première fiction ?
Laurent Poitrenaux : Ilan était très légitimiste. Il nous a donné les clés du camion avec l'unique règle de tourner sous douze jours car le temps était précis. Le but était de ne pas partir à la fin de la journée de tournage accompagnés de regrets. Si il avait un truc à refaire, on le refaisait immédiatement. Je suis rentré une fois avec des regrets puis ai envoyé un SMS à 3h du matin pour exprimer mon inquiétude à Ilan. Il m'a répondu "Ok, on va trouver un moment pour refaire cette scène".
Camille Chamoux : Et on l'a refaite.
Laurent Poitrenaux : Ouais, on l'a refaite. Pourtant, on avait pas le temps - sur le papier - mais Ilan a pris le temps de le refaire. Et c'est là qu'il est fort : certaines choses n'étaient pas prévues, des plans volés, des scènes, des rêveries, de petites chansons... Et c'est ça qui rend le film aussi joli. C'est que tout ne s'est pas passé comme prévu, c'est ce grain de folie à l'image du film. Un son, un montage un peu chaotique. Ilan a été fort parce qu'il est très calme.
Camille Chamoux : Oui, il était extrêmement calme mais aussi très présent. Si jamais une idée germait dans son esprit et qu'il avait du temps disponible, il essayait de réaliser son idée. Il essayait vraiment de ne jamais perdre son film et c'est ça qui est extraordinaire. C'est peu de mots, très peu de direction et une grande liberté, une légitimité accordée aux acteurs. Il avait en revanche des points précis à respecter comme ne pas jouer la folie pour Laurent, ne pas se cantonner aux choses attendues au cinéma, les fous, les psy... Non, le film parle de gens qui se retrouvent les uns devant les autres.
Comment décrire vos personnages diamétralement opposés. Vous, Camille Chamoux, incarnez une psy les pieds sur terre tandis que le vôtre, Laurent Poitrenaux, est beaucoup plus dans une sorte de "folie contagieuse". Sans oublier que le lien entre les deux repose sur un quiproquo très drôle au début du film...
Laurent Poitrenaux : Si l'on devait replacer ça sur une échelle, c'est sûr que l'un est plus fou que l'autre. Mais je pense que ça peut se discuter. C'est d'ailleurs ça qui est beau dans le documentaire Saint-Anne réalisé par Ilan. La frontière entre les médecins et les patients semblait très fine, il suffisait presque d'échanger les vêtements de deux partis. En réalité, nos personnages sont dans une réalité, leurs réalités. Le mien peut rester très longtemps bloqué sur un détail et développer une obsession artistique. Au fond, je pense que celui que j'incarne est très cohérent dans son incohérence. Tandis que Sophie, la psy, sous ses airs...
Camille Chamoux : C'est exactement ça ! Il y a cette question autour du film : qui est le plus fou ? C'est au final une question de perception dans la manière qu'a mon personnage d'appliquer sa méthode. Elle se retrouve face à un patient qui lui dit que ce qu'elle fait est absurde, que ce ne sont que des papiers, que rien n'a de sens. Le personnage de Laurent lui demande en quoi son comportement peut bien nuire à ses proches, il ne fait de mal à personne. Ses proches ne supportent en réalité pas qu'il vive différemment, comme il l'entend. Ca renverse un peu cette question "Qui est fou et qui n'est pas fou ?". En fait, il y a quelque chose de très simple et très beau là-dedans. A propos de mon personnage, Ilan m'a très rapidement expliqué qu'elle était très douce. C'est quelqu'un qui ne va pas se départir de son calme. En vérité, c'était pour moi un gros travail (rire). On a en réalité tous en nous cette capacité de trouver la douceur, la concentration.
Vos personnages se retrouvent également dans un univers qui semble éloigné de tout. Un appartement parisien qui semble se situer au milieu de... nulle part !
Laurent Poitrenaux : Vous avez raison. Cet appartement, c'est l'îlot de Bruno, son propre monde. L'équipe a fait un super travail de déco avec le peu de moyens. Entre les photos improbables, les posters... On rentre immédiatement dedans.
Camille Chamoux : Mon personnage de la psy accompagne le spectateur avec sa rationalité et ses conventions dans cette antre de la folie. Personne ne semble se rendre compte que les proches qui ont l'air légitime ont en réalité un fonctionnement étrange. Bruno dit quant à lui de très belles choses à mon personnage... Le spectateur tombe amoureux de l'artiste dans le film, lui aussi (rires).
Le film est aussi extrêmement positive. Une courte aventure accompagné de personnages incroyables.
Laurent Poitrenaux : C'est ce qui est beau avec ce film. Ilan propose une forme de romantisme échevelée avec la musique, la voix-off... On a parfois l'impression d'être dans un mélo américain des années 50, 60. C'est aussi ça qui crée de la joie dans un quotidien absurde, improbable.
C'est aussi un film d'amour...
Laurent Poitrenaux : Ah oui ! En tout cas l'amour de l'être humain avec toutes ses complexités, loin d'idées figées.
Le film est une véritable surprise dans le paysage cinématographique français actuel.
Laurent Poitrenaux : C'est un peu un cadeau que l'on m'a proposé. On tourne puis tout va très vite, je me demande au début si je peux accepter un premier rôle au cinéma, je me dis "Vas-y, c'est débile, mais accepte". Et tout semblait s'aligner au fil des jours, je m'aperçois déjà que le lieu de tournage est à trente mètres de chez moi (rires), on tourne rapidement en janvier, ensuite on se dit "Peut-être Cannes, l'ACID...". Là, on passe le premier tour de l'Acid et tout se passe bien. C'est merveilleux !
Camille Chamoux : Cabourg, Angoulême... C'était génial. Ilan est le mec le plus anti-système, comme son personnage, mais est néanmoins regardé par le système. Mais avec beaucoup d'admiration... Et c'est très drôle parce qu'il s'en tape complètement ! On se retrouve à l'ACID sans le vouloir vraiment alors qu'un tas de réalisateurs ne cherchent que ça. Et Ilan, lui, il obtient tout !
Laurent Poitrenaux : Puis le film rencontre les gens, la vie est belle quand tout s'agence.