A l'occasion de la sortie dans les salles de "Une sirène à Paris", nous avons rencontré Mathias Malzieu, leader du groupe Dionysos, qui réalise cette nouvelle rêverie tirée de son propre roman, et dont il assure, en plus, les chansons !
On connaissait Mathias Malzieu chanteur avec Dionysos, romancier et déjà réalisateur avec le film d'animation Jack et la mécanique du cœur. Mais cette fois, avec Une sirène à Paris, il passe à un format encore différent, un long-métrage en prise de vues réelles. Un projet qui dépasse même le médium cinématographique, puisqu'il s'agit d'une adaptation de son propre roman, et qu'il a, dans le même temps écrit les chansons. Un véritable touche-à-tout qui fonctionne au feeling, ou plutôt en suivant son désir.
D'où vient cette envie de faire du cinéma, en plus d'être chanteur et romancier ?
Ce n'est pas très intellectuel, juste un désir, quelque chose d'instinctif. A la base, j'avais un grand désir de raconter des histoires. En tant que passionné de cinéma, de disques et de livres, j'ai trouvé différents moyens de le faire. Pour ce qui est du cinéma, cela remonte à loin puisque j'ai fait une fac de cinéma. Je suis à la fois fan de Star Wars, Spielberg et de Kaurismaki, et j'ai fait un mémoire sur Jim Jarmush. donc j'aime vraiment passionnément le cinéma, le cinéma musical, la musique de film - qui avait déjà une influence sur la musique de Dionysos. Donc tout est lié.
Quelle importance donnez-vous à ces différents médiums et aux liens que vous faites entre eux ?
Le fait de pouvoir lier les différents médiums, ça me permet de me remettre en question sur mon sujet, de le voir de différentes manières. Donc je crée un univers autour, parfois je ne me sers pas de tout, mais c'est comme si je me faisais mon petit univers étendu.
Sur une musique ou un long-métrage, la vision créative est forcément différente, il s'agit quand même de raconter une histoire en trois minutes ou en une heure et demie.
Tout à fait, c'est très différent. Ce ne sont pas du tout les mêmes muscles créatifs qui travaillent. La chanson, c'est comme un sprint, il faut avoir le sens de la formule. A côté, parfois, j'aime n'avoir aucune contrainte. Donc là, c'est davantage du domaine du roman. Si je veux faire des explosions, je peux l'écrire. Le cinéma, il faut des moyens. Mais ce n'est pas grave, c'est intéressant. C'est comme avec la musique. Quand on a un album qu'on doit jouer sur scène, on ne va pas forcément se balader avec un orchestre symphonique pour coller aux arrangements. Donc il faut faire des choix, trier et enlever. Ça me plaît beaucoup d'avoir toutes les matières et de faire des vases communicants.
Avec La Mécanique du cœur il y avait encore quelque chose de l'enfance, dans le sujet et le style. Avec Une Sirène à Paris, il y a quelque chose qui relève davantage de l'adulte.
Oui. Métaphoriquement, Gaspard pourrait être Jack à quarante ans, qui retombe dans ses travers. Donc le rapport à l'enfance, il existe, mais jamais comme une régression. Plus comme une capacité d'émerveillement, une possibilité de la nuance et de l'imagination, jamais pour fuir. C'est quelque chose qui me tient à cœur.
Ce n'est donc pas une suite mais plusieurs liens directs sont faits avec La Mécanique du cœur.
Oui il y a une chanson, mais aussi un bout de La Mécanique du cœur, avec le film que met Gaspard à Lula. En c'est un lien qui n'était pas prévu. Car, dans le livre, il lui montre La Petite sirène. Sauf que Disney ne donne pas ses images. Donc j'ai dû trouver autre chose. Et je suis revenu à un passage de La Mécanique du cœur, qui en plus ramène à la thématique d'amour impossible, ou du moins d'amour compliqué.
Pourquoi avoir opté pour un cinéma en prise de vues réelles plutôt que de poursuivre dans l'animation ?
J'avais besoin et envie d'avoir de vrais comédiens pour incarner cette histoire, des vrais décors, un personnage incarné dans le réel avec sa fantaisie. Mais une fantaisie possible, comme un collectionneur avec une nostalgie joyeuse. Je voulais que le seul élément magique soit la sirène.
Et pourquoi pas vous pour être l'acteur ?
Déjà, je ne suis pas comédien. Autant, réalisateur, j'ai fait une fac de cinéma, j'ai imaginé et rêvé longtemps mes histoires et mes plans. Jamais comédien. Peut-être que si un jour on me demande de tourner dans un film je le ferai. Mais là je voulais me concentrer, pour un premier film de plateau, sur mes comédiens. Je ne voulais pas qu'un autre moi-même interfère.
En même temps, le fait de monter sur scène avec Dionysos, est-ce que ce n'est pas déjà jouer comme un acteur ?
Si, complètement. C'est pour ça que je n'enlève pas l'idée de le faire un jour. Pourquoi pas dans un film à moi, mais il faudrait que je gagne un peu en expérience d'abord. Donc je pense que j'aimerais mieux qu'on me dirige avant de me diriger moi-même.
Du coup Nicolas Duvauchelle...
Je voulais la force de proposition de quelqu'un comme Duvauchelle. Je ne le connaissais pas mais j'aimais son intensité, son côté brute. On sent qu'il ne triche pas. Ça allait bien pour le personnage : un rêveur, tendre, et qui a de la densité.
On vous retrouve tout de même sur tous les fronts, cela ne vous a pas semblé trop ?
Justement, c'est le réflexe que j'ai eu quand on m'a dit de le jouer. Après, c'est le contre point d'un moment difficile où j'ai été hospitalisé longtemps. La Mécanique du cœur sortait et j'entrais en chambre stérile. J'avais alors un désir de revanche. Pas aigri, mais joyeux. Je commençais à être à nouveau en bonne santé et j'ai eu de l'envie, tout simplement. Pas d'être comédien. Mais d'écrire le livre, de réaliser le film et d'écrire les chansons de Gaspard. J'ai donc tout fait en même temps. C'était passionnant d'un point de vue artistique. Mais logistiquement c'était très compliqué. Donc pour la suite, je ne sais pas encore ce que ce sera. J'ai plein d'idées et d'envies mais c'est encore au stade embryonnaire.
Propos recueillis par Pierre Siclier
Une sirène à Paris de Mathias Malzieu, en salle le 11 mars 2020. Ressortie exceptionnelle le 22 juin 2020.