Après "Hostile" en 2018, Mathieu Turi revient avec "Méandre", film aux genres multiples entre thriller, horreur et SF. Le réalisateur évoque avec nous le tournage particulier avec Gaia Weiss dans un immense tube.
Méandre, le nouveau film de genre de Mathieu Turi
En 2018 on découvrait Hostile, premier long-métrage de Mathieu Turi, qui voit une femme bloquée dans sa voiture avec un zombie qui rôde. Un film d'horreur post-apocalyptique efficace, également marqué par une part romantique, et qui mettait de bons espoirs sur le jeune réalisateur (que nous avions alors rencontré à l'époque). Déjà de retour, il propose pour son second film un autre high concept avec Méandre, porté cette fois par Gaia Weiss. Ici, une femme est enfermée dans un immense tube. Pour survivre, il lui faudra avancer et réussir plusieurs épreuves.
Pour la sortie du film le 26 mai, Mathieu Turi a répondu à nos questions sur la conception de Méandre, son intérêt pour le film de genre et les fins plus ou moins ouvertes...
Comment est né Méandre ?
Méandre a été écrit juste après mon premier film, Hostile, mais avant que celui-ci ne soit tourné. J’avais du mal à le monter. Donc en frustration j’ai écrit deux autres scénarios, dont Méandre, avec des concepts très accrocheurs. L’idée était que ces trois scripts puissent m’ouvrir une porte et être mon premier film. Après il y a eu de la réécriture évidemment.
T'es tu mis des limites dans le scénario ?
J’avais conscience du budget dès l’écriture. Il fallait que ça puisse se faire entre 1 et 3 millions d’euros. Ce qui est le budget habituel quand on fait du genre en France. Méandre est très peu cher sur le papier mais ça demande tout de même un grand studio. Il y a des éléments qu’on aurait pu ajouter avec 400 000 euros de plus, mais qu’on a dû mettre de côté. Et inversement, j’ai pu faire des choses avec mon budget que j’aurais dû retirer si on n'avait pas eu les moyens. Mais j'y pensais dès l'écriture pour que le film puisse tout de même exister avec ou sans certains passages coûteux.
Je pense que c'est le fait d’être conscient de la réalité économique qui m’a permis de faire déjà deux films à 34 ans. Je sais que c’est difficile de faire de la SF en France, mais c’est possible. Seulement pas avec les références qui m’ont donné envie de faire du cinéma. Je ne vais pas me lancer maintenant dans Alien ou Star Wars par exemple.
Comment s'est déroulé le tournage avec Gaia Weiss ?
On a tourné 33 jours. C’était très difficile pour elle, parce qu’elle devait s'exprimer par son jeu et également être convaincante dans l'épreuve physique. Tout en étant dans une position loin d’être confortable. En plus on a eu un problème avec une autre comédienne, donc elle est arrivée très tard sur le projet. Mais plutôt que de repousser le tournage, elle a proposé de se servir de cette “non-préparation” pour entrer mieux dans son personnage. Elle a appris à se déplacer dans le décor au fur et à mesure et c’était très courageux de sa part.
As-tu songé d'abord au fond ou à la forme de ton film ?
Comme je disais j'ai écrit Méandre parce que j'avais du mal à monter mon premier film qui partait du fond. Donc, pour changer, j'ai voulu faire un autre film en partant de la forme. Quelque chose de très concept, pouvant être pitché en trois secondes. L'idée d'un huis clos avec un personnage qui doit avancer m’a semblé intéressante. Car c’est finalement l’inverse d’un huis clos classique où le personnage ne bouge pas. Là, si elle s’arrête, elle meurt. Ça m'a d'ailleurs rappelé la scène dans Aliens lorsque Bishop est dans un tube.
Après avoir trouvé ce concept, pour justifier d’en faire un long-métrage, il fallait que je développe mon personnage. C’est là que je me suis dis que je pouvais parler du deuil. Ce qui a mené aux épreuves du deuil, et donc à des épreuves tout court, physiques ou psychologiques. Puis, il y a eu le questionnement sur la vie après la mort, l’aspect spirituel, etc. Ça a été un processus d’écriture un peu compliqué parce qu’écrire des scènes avec un personnage qui en prend plein la figure c’est facile. Mais, quand tu veux raconter quelque chose avec, ça devient plus complexe.
Comme dans Hostile, la fin de Méandre peut être vue comme un faux happy end.
J’ai toujours été déçu par des films de genre qui se terminent mal juste pour se terminer mal. Mais je ne veux pas faire du happy end à 100%. J’aime bien être ambigu. Je voudrais que les gens sortent de la salle en ayant besoin d'analyser, de digérer le film avant de s’en faire leur propre interprétation. Ce qui est de plus en plus rare aujourd’hui. À part chez Christopher Nolan, on a tendance à tout nous prémâcher, je trouve ça dommage.
On sent également un intérêt pour le mélange des genres jusque dans cette fin qui pose des questions
En effet, à mon modeste niveau, j’essaie de mélanger les genres. Ce qui peut déranger certains, parce que je vais utiliser volontairement certains clichés. Pour Méandre, c’est un peu plus subtile que pour Hostile, mais j’essaie d’avoir une bascule totale à un moment. Ici, on a les codes classiques d’un rapt d’une femme sur la route. Ça devient prévisible car ça respecte les codes. Jusqu’à ce qu’on bascule dans un autre genre. Et là on se demande forcément ce qu’il va se passer après.
Maintenant pour la fin, sans spoiler, disons que le concept de tunnel avec la thématique de la mort, amène au religieux. Et à côté, quand on se lance dans de la SF, très vite on pense à la thématique de l’extra-terrestre. Ce qui réunit les deux c’est la possibilité d’avoir une force supérieure au-dessus de nous. Donc l'un et l'autre se tient dans le film. Mais je ne vais rien dire sur ce qu'il faut comprendre exactement de la fin. Je veux que le spectateur puisse faire son choix. Il y a une vraie fin. Je la connais et le spectateur peut la trouver car j'ai laissé des indices durant le film. Mais les différentes hypothèses sont valables.
Propos recueillis par Pierre Siclier
Méandre dans les salles le 26 mai. Découvrez ici la bande-annonce.