À l'occasion de la sortie de "Miraï ma petite sœur", un des long-métrages les plus attendus du Festival d'Annecy 2018, on a rencontré son créateur, le réalisateur et animateur japonais, Mamoru Hosoda.
Il est l'un des réalisateurs et animateurs les plus respectés au monde. Avec son nouveau film d'animation, Miraï ma petite soeur, présenté en compétition au Festival du Film d'animation d'Annecy 2018 et à la dernière Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, Mamoru Hosoda revient avec un bijou de l'animation.
Alors que dans les années 1990, ses travaux sur Dragon Ball Z ou encore Sailor Moon se font remarquer, c'est en 2006 que le réalisateur signe son premier long-métrage à succès: La Traversée du temps. Depuis, Mamoru Hosoda ne cesse de fasciner.
Que ce soit avec Summer Wars, Les Enfants loups, Ame et Yuki ou encore Le Garçon et la Bête, le réalisateur a su inscrire son propre style et ses thématiques touchantes traitées avec une justesse remarquable. Miraï, ma petite soeur en est l'exemple parfait : un film touchant et inoubliable. Rencontre.
Avec Miraï vous avez de nouveau parlé d'une thématique importante pour vous celle de l'enfance , pourquoi cette partie de la vie vous touche t-elle autant?
Je vis avec mes enfants. Quand je passe du temps avec eux, je pense à leur enfance, à ce qu'ils sont en train de vivre mais aussi à ma propre enfance et à mon passé. J'ai l'impression de revivre mon enfance à travers et grâce à eux. Et donc finalement mes enfants, je les considère d'autant plus parce qu'ils sont ma source d'inspiration. Ils font entièrement partie de ma vie et eux ainsi que leur enfance font partie de la mienne. C'est en pensant à tout ça que je confectionne mes films.
Vous parlez de l'enfance... dans Miraï, il y a autre chose qui est fortement d'actualité : la mixité. C'est un petit garçon, Kun, qui devient le grand frère de Miraï. Ce lien, entre un frère et une sœur est très rarement mis en avant au cinéma. Vous vouliez rectifier ça?
Ma réponse est assez simple et je dois le dire un peu décevante (rires). J'ai tout simplement une petite fille et un petit garçon. Cette mixité vient donc tout naturellement. Peut être que si j'avais eu deux fils ou deux filles ça aurait été autrement.
...on peut dire que le film est à l'image de vos enfants?
Totalement. Comme je l'ai dit, ils sont ma source d'inspiration et j'étais très influencé par mes propres enfants y compris dans des thèmes plus vastes comme la mixité. Je n'ai absolument rien changé pour mon film. J'ai désiré montrer la réalité de mes enfants et donc de la mienne. La plupart des gens pensent que les films d'animation montrent essentiellement des enfants hors dans la plupart des films d'animation d'aujourd'hui, y compris ceux où les enfants sont les personnages principaux, montrent l'instabilité des émotions lorsque l'on devient et que l'on est adulte. Je trouve que le premier film d'animation a avoir fait ça de manière remarquable est Mon Voisin Totoro de Hayao Miyazaki.
Vous parlez de la réalité qui a inspiré l'histoire. Une réalité qui se transmet également à travers le dessin notamment lors des scènes où les deux enfants se retrouvent dans le futur. Cherchiez-vous à montrer le réalisme dans le fantastique et inversement?
Tout à fait et je pense qu'il est très juste de soulever cette question. Il est indéniable qu'il y a une part de réalité dans le fantastique et inversement. Dans le film il y a des allers-retours dans ces deux mondes qui sont à la fois opposés et complémentaires. C'est parce que l'on fait ces va-et-vient qu'on peut comprendre la vérité de manière complète.
Votre film aborde des traditions, via l'événement hina matsuri (fête japonaise traditionnelle qui met à l'honneur les petites filles) mais en même temps il est très moderne. Pensez-vous que les deux sont compatibles?
Le père, est un architecte auto-entrepreneur qui prend en charge la maison et l'éducation des enfants tandis que la mère, une fois son congé maternité terminé, reprend son travail à l’extérieur. C'est totalement l'image du couple moderne et qui commence à être assez récurrente dans la réalité. Mais ça ne veut pas dire que, malgré leur vision moderne, ils ne sont pas attachés aux traditions. Le hina matsuri est un événement au Japon. Dans le film les parents discutent de cette tradition parce que la société change. Elle ne croit plus forcément aux superstitions, aux esprits et à tout ce qui peut relever du spirituel. Mais certaines personnes, aussi modernes qu'elles puissent être, y croient encore. Ce qui est, à mon avis, complètement humain: de croire en une réalité qui n'est pas forcément scientifique. C'est ce que je voulais montrer à travers la tradition.
L'enfance, le fait de grandir, la famille et les valeurs qu'elle incarne sont au cœur de vos films. Est-ce que Miraï est l'apogée de votre filmographie sur ces points?
Je ne dirais pas que Miraï est l'apogée bien que j'y ai mis mes thèmes favoris. En réalité, j'aborde une nouvelle facette de l'enfance par le biais d'un nouveau point de vue. Par exemple, Summer Wars est un film d'aventure dans lequel le héros se retrouve plongé dans une affaire de famille, Le Garçon et la Bête parle de maternité et ici, cette fois, je parle des liens fraternels. Chaque point de vue est assez différent. C'était d'ailleurs un peu plus difficile cette fois car je suis enfant unique et que je ne connais pas ce lien et les sentiments qu'il engendre.
Propos recueillis par Pauline Mallet au Festival d'Annecy 2018
Ci-dessous la bande-annonce de Miraï, qui sortira dans les salles le 26 décembre 2018.