"Le plus fun et divertissant possible" : les secrets du film d'horreur Vermines

"Le plus fun et divertissant possible" : les secrets du film d'horreur Vermines

Sébastien Vaniček nous parle de son parcours et de la conception de son premier long-métrage "Vermines", entre le sous-texte social, sa volonté de proposer un vrai divertissement et le travail avec des araignées réelles.

Vermines, premier long réussi de Sébastien Vaniček

Sébastien Vaniček, 34 ans, plus de 50 courts-métrages tournés avec les moyens du bord avec ses potes du 93, tout en travaillant à côté en supermarché ou à Disneyland pour gagner sa vie, et le voilà qu'il nous met une sacrée frousse avec son premier long-métrage Vermines. Le jeune réalisateur s'est formé tout seul pendant toutes ces années, et pourtant aucun amateurisme ne transparait dans ce film d'horreur, efficace et intelligent.

Efficace, car Sébastien Vaniček réussi son pari horrifique en provoquant de vraies sensations d'angoisse et d'inquiétude devant ses araignées qui se multiplie et viennent infester un immeuble de banlieue. Intelligent, car le cinéaste ajoute en sous-texte un propos social qui ne prend pas le dessus sur l'expérience de cinéma. Car qu'on ait compris ou non que ces araignées sont une métaphore bien trouvée aux principes de xénophobie, le divertissement demeure. Rencontré lors de la promotion de Vermines, le talentueux réalisateur nous détaille sa pensée.

Quel a été votre parcours avant d'en venir à Vermines ?

Je viens de l'école des courts-métrages. Dès le lycée, je voulais être réalisateur, et on m'a dirigé vers une fac de cinéma. Sauf que j'ai lâché au bout de trois mois. Ensuite, on m'a conseillé de faire une école de cinéma, qui m'a coûté beaucoup d'argent et qui ne m'a servi à rien. En fait ce qui m'a amené là, c'est de filmer des trucs avec des potes du 93. Ils ont commencé à devenir de plus en plus professionnels, comme chef opérateur, ingénieur du son, etc. Mais on progressait ensemble.

J'avais quand même pendant un moment un job alimentaire à côté, dans un supermarché ou à Disneyland. Et puis, dix ans avant que je me lance sur Vermines, j'étais dans un festival pour un court-métrage fait au téléphone portable. J'ai eu un prix et c'est là que j'ai rencontré le producteur Harry Tordjman qui m'a gardé à l'œil. Avec Jérôme Niel, on a encore fait des courts-métrages en 2020, et c'est là qu'Harry m'a demandé si j'avais quelque chose pour un long.

Jérôme Niel - Vermines ©Tandem
Jérôme Niel - Vermines ©Tandem

Je lui ai d'abord dit que je pensais faire un court avec une invasion d'araignées dans un immeuble. Il m'a dit : "Ok, c'est intéressant comme pitch, mais ça raconte quoi ? C'est quoi le propos ?" J'ai poursuivi en disant que c'était évident. Qu'avec Vermines, on parlait des araignées, mais aussi des banlieusards, du délit de sale gueule, etc. Il a trouvé ça intéressant, y voyant un sujet à la Get Out, avec un sujet sensible, politique, social. Mais sous fond de divertissement.

Vermines est en effet d'abord un divertissement, un film de genre très efficace.

J'ai vraiment insisté pour que mon premier long soit le plus fun et divertissant possible. Qu'on ait peur, qu'on rit, qu'on ressente toutes les émotions. Car je veux que les gens en aient pour leur argent. C'est quand même 15 euros un cinéma. Il y en a qui prennent le RER pour venir. C'est un vrai investissement. Donc je veux que les gens rentrent en étant content.

Il y a tout de même un sous-texte social, mais l'aspect horrifique domine.

Je ne sais pas pourquoi, mais en France, il y a quelque chose qui demeure que le divertissement n'est pas noble. On a ce cliché que les Américains font leur cinéma de beauf, et que nous, on sait écrire, on a l'héritage de la Nouvelle Vague... Avec Vermines, j'ai voulu redonner d'une certaine manière ses lettres de noblesse au divertissement, parce que les films qui m'ont le plus influencé, ce sont les Spielberg, Ridley Scott, James Cameron... Du divertissement, avec un propos. Et aujourd'hui, personne ne va dire que le cinéma de Spielberg n'est pas noble.

Donc avec Vermines je voulais privilégier ce type de divertissement pour que les gens passent d'abord un bon moment. Pour moi, ce qui compte, c'est les personnages. Qu'on s'identifie à eux. Et si ensuite on arrive à capter aussi ce qui est dit en sous-texte, tant mieux. Je suis très content de pouvoir en parler.

Ce sous-texte, on le comprend surtout à la fin, en montrant que l'araignée n'est pas forcément dangereuse.

L'araignée sert à faire un parallèle avec le délit de sale gueule sur les banlieusards. Mais ça peut être aussi sur des homosexuels, des personnes transsexuelles, ou même un provincial. Florent Bernard par exemple, le co-scénariste, est Bourguignon. Et il a subi un peu les mêmes choses que moi en tant que banlieusard. Mais donc tout ça, c'est en fait des gens qu'on a tendance à mettre dans des boîtes, des catégories. Sauf que le fait qu'ils puissent sortir de leur boîte, ça dérange et ça fait peur.

Comme une araignée dans son salon. Soit on l'écrase, soit on la veut dehors, mais pas chez nous. C'est évidemment de la xénophobie et c'est ce que je dénonce avec Vermines. Parce que, ce qu'il faut bien prendre en compte, c'est que cette araignée a juste été arrachée de sa terre natale sans demander rien à personne. Elle a été ramenée pour l'argent, dans un endroit où elle n'est pas faite pour survivre. Et elle va se faire agresser constamment. Donc oui, elle devient dangereuse, mais ce n'est pas sa faute.

Vous avez utilisé de vraies araignées sur le tournage ?

Pour les araignées qui sont en taille réelle, on a utilisé des vraies oui. C'est mieux et plus intéressant pour le budget. Par contre, je voulais qu'on fasse très attention à elles, qu'on les traite bien. Donc je n'en lâchais pas 50 sur le plateau. Chacune était très contrôlée. Ensuite, quand il y avait des mouvements très précis, c'était plutôt reproduit en effets numériques. Mais parfois, par miracle, on arrivait à faire des choses vraiment compliquées avec des vraies. Comme quand l'araignée sort du sachet en plastique, ou de la boîte. Ou encore quand Théo Christine à la fin en prend une sur son épaule. Toutes celles-là sont réelles.

Vermines ©Tandem
Vermines ©Tandem

Pour d'autres, on était obligé de se tourner vers la 3D. Comme la traversée du couloir, car j'avais besoin d'une espèce de masse immense. Et évidemment, lorsqu'elles grossissent, c'est de la reproduction. Mais malgré tout, toutes ces araignées restent basées sur des vraies, qui ont été scannées et dont les mouvements sont reproduits. On n'a rien inventé ni fait plus que ce qui existe.

Il y en a tout de même qui obtiennent une taille surréaliste, ce qui n'empêche pas qu'on puisse y croire dans le film. Est-ce que vous vous êtes imposé une limite pour éviter quelque chose de trop gros et de grotesque ?

Il y avait cette crainte de faire quelque chose de trop gros avec la dernière, à la fin. Mais on s'est dit qu'il fallait que ce soit quand même l'équivalent d'un petit bulldog pour justifier que la voiture freine. Donc je savais que je pouvais un peu me lâcher. Ça n'empêche qu'on y croit, à mon sens, parce qu'on est avec nos personnages et on croit à ce qui leur arrive.

Mais j'avais tout de même à cœur d'avoir quelque chose d'un minimum crédible. C'est pour ça que je n'ai pas pris une tarentule, car dès qu'on les fait grossir, cela devient cette espèce de gros truc poilu de nanar un peu, qui ne fonctionne pas pour moi. Je voulais montrer des araignées qui sont grosses, mais plausibles pour la plupart. Il faut savoir que ça existe des très grosses araignées. Une araignée Goliath, qu'on trouve dans la jungle, elle peut être plus grosse qu'une assiette. C'était ça mon échelle de réalisme.

Est-ce qu'il y a eu des complications à travailler avec de vraies araignées ?

On a fait le maximum pour contrôler les araignées. Sauf qu'à partir du moment où il y en a une qui tombe et se met à partir, on doit tous s'arrêter. Je voulais surtout pas qu'on risque d'en écraser une. Donc, on arrêtait, pendant vingt minutes parfois, ce qui est très long pour une journée de tournage. On y allait avec la lampe torche et on finissait par la retrouver.

Beaucoup de personnes craignent les araignées, il devait y en avoir également parmi l'équipe de tournage, non ?

Il y a une assistante caméra qui était terrifiée par les araignées. Elle s'est fait hypnotiser pour pouvoir faire le film. Et ça a marché. Pour les actrices par contre, Sofia Lesaffre et Lisa Nyarko, qui sont un peu arachnophobes, c'était plus technique. On a justement essayé de garder cette peur pour le film, tout en les aidant à comprendre, à changer leur regard. Et au fur et à mesure, leur rapport aux araignées a changé.

Vermines est à découvrir en salles le 27 décembre.