Black Mirror : quand la plateforme Netflix se moque d'elle-même

Black Mirror : quand la plateforme Netflix se moque d'elle-même

En ouverture de sa nouvelle saison, la série "Black Mirror" propose une terrifiante dystopie autour d'une plateforme de streaming qui est la copie parfaite de Netflix. Un épisode aussi amusant qu'effrayant, à découvrir sur... Netflix !

La série Black Mirror de retour

Quatre ans après la cinquième saison de la série créée par Charlie Brooker, Black Mirror est de retour avec cinq nouveaux épisodes. Ceux-là, disponibles sur Netflix depuis le 15 juin 2023, suivent comme de coutume le principe de l'anthologie, chacun disposant de sa propre histoire et de son propre casting. Leur qualité est donc inégale, d'autant plus que sur les cinq, trois n'ont pas vraiment l'identité Black Mirror. En effet, les épisodes "Loch Henry", "Mazey Day" et "Démon 79" peuvent être respectivement catégorisés dans le genre du true crime, de l'horreur et du fantastique. Dans tous les cas, aucun de ces trois ne se développent dans le genre de l'anticipation et de la science-fiction, celui qui a fait tout l'intérêt et le succès des précédentes saisons de la série.

Une copie de Netflix au coeur du premier épisode

On retrouve néanmoins une intéressante dystopie, dans le pur esprit Black Mirror, avec le premier épisode intitulé "Joan est horrible". Dans celui-ci, une jeune femme nommée Joan (Annie Murphy) se rend compte qu'une nouvelle série proposée par la plateforme Streamberry est une copie conforme de sa vie, reprenant tous les événements de son quotidien. La plateforme de streaming fictive Streamberry est une parodie assumée de Netflix. Tout y est : la couleur, la charte visuelle et sonore (le fameux "tu-dum"), le menu d'accueil, et on distingue même dans les propositions le deuxième épisode de cette nouvelle saison de Black Mirror, "Loch Henry", ainsi qu'un faux documentaire sur le personnage de Will Poulter dans le film interactif Black Mirror : Bandersnatch.

Black Mirror
Black Mirror ©Netflix

Une terrifiante mise en abîme

Dans cette histoire, Joan découvre donc qu'une série s'inspire de son quotidien. Série dans laquelle elle est interprétée par Salma Hayek. Mais puisque cette série "Joan est horrible" (celle avec Salma Hayek) raconte le quotidien de la "vraie" Joan, celle interprétée par Salma Hayek découvre donc elle aussi qu'une série est faite sur sa vie. Et que dans celle-ci elle est incarnée par... Cate Blanchett. Nous avons donc une série dans la série dans la série... et ainsi de suite. Une mise en abîme vertigineuse, avec des séries comme des poupées gigognes qui n'en finiraient jamais.

Comment tout ceci est possible ? Dans ce futur, suggéré comme assez proche, un ordinateur quantique, propriété de Netflix (pardon, de Streamberry), accumule les données sur ses utilisateurs, les écoutant et les visualisant par tous les appareils connectés, afin de créer des programmes dédiés entièrement produits en CGI. Ce n'est donc pas Salma Hayek qui joue dans la série, mais c'est son image, dont elle a laissé les droits d'utilisation, qui est recréée. Un recours légal pour empêcher cette violation en bonne et due forme de la vie privée des utilisateurs ? Aucun, puisqu'une clause figurant dans les conditions générales d'utilisation permet à l'entreprise de créer ce genre de programmes...

Une démarche absolument immorale, qui est même interrogée dans l'épisode. Pourquoi l'entreprise Streamberry a-t-elle choisi d'insister sur les défauts d'une personne plutôt que sur ses qualités ? Tout simplement parce que des tests et sondages ont montré qu'un contenu plus "positif" n'intéressait pas les utilisateurs.

Joan est horrible - Black Mirror
Joan est horrible - Black Mirror ©Netflix

Netflix n'a opposé aucune "résistance"

Les références à Netflix et ses programmes parsèment tout l'épisode, au point qu'on peut se demander à un moment si le géant du streaming ne se tire pas une balle dans le pied à jouer trop sérieusement cette parodie. Mais l'épisode Joan est horrible évite ce risque en offrant un happy end à ses personnages, et une fin moins heureuse pour Streamberry. L'épisode reste toutefois très critique sur les possibles dérives de la technologie dans le secteur du streaming et, étrangement, Charlie Brooker a expliqué dans une longue interview à Empire que Netflix lui avait laissé carte blanche.

On a simplement dit : "On a cette plateforme de streaming intitulée "Streamberry" dans un épisode... Est-ce qu'on peut la faire ressembler à Netflix ?" Ils sont revenus vers nous assez rapidement - étrangement rapidement d'ailleurs - et ont répondu : "Oui, ok." Je peux assurer qu'il n'y a eu aucune résistance de leur part. Ce qui est un peu décevant, parce que ça aurait été cool de dire : "Je l'ai fait quoi qu'ils en pensaient, parce que je suis un anarchiste !". Mais non... Cet épisode est assez méta et étrange. Que moi je regarde l'épisode en salle de montage, c'est une chose... Mais penser que le public va le regarder sur la plateforme Netflix elle-même ? C'est assez dingue.

À noter que, en plus de cet épisode, le second de la saison, "Loch Henry", s'amuse lui à raconter la production d'un documentaire true crime, qui dérape dans les grandes largeurs, avec une bonne dose de violence. Un documentaire qui, dans l'épisode "Loch Henry", est acheté et diffusé par... Streamberry !