Le producteur et réalisateur Jonathan Nolan et le co-créateur Graham Wagner nous parlent du ton de la série "Fallout" et de leur manière d'aborder la violence.
Fallout : un mélange d'humour et de violence
Les abonnés de Prime Video peuvent découvrir depuis ce 11 avril l'univers apocalyptique de Fallout. La série, tirée de la franchise de jeux vidéo éponyme, se déroule dans le même monde, mais imagine une histoire originale avec des nouveaux personnages. Un récit qu'on doit à Geneva Robertson-Dworet (Captain Marvel) et Graham Wagner (Sillicon Valley), les co-créateurs, mais aussi au duo derrière Westworld, Jonathan Nolan et Lisa Joy. Tous les deux sont à la production tandis que Jonathan Nolan s'est chargé lui-même de réaliser les trois premiers épisodes.
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Un moyen pour lui de poser les bases d'un univers qu'il a découvert il y a des années en jouant à Fallout 3. À savoir donc un futur post-apocalyptique, deux siècles après une guerre nucléaire qui a éclaté dans les années 1950. On trouve alors des humains qui se sont réfugiés tout ce temps dans des abris antiatomiques, d'autres qui ont survécu à l'extérieur, mais aussi des mutants et des créatures terrifiantes. Pas facile de survivre dans un tel monde rempli de violence. C'est ce que va découvrir Lucy, qui a vécu toute sa vie loin de cela, dans un abris luxueux. Mais après l'enlèvement de son père par des gens de l'extérieur, elle devra se confronter à une dure réalité.
Cette violence, on la découvre dès le premier épisode avec un mariage qui vire au massacre sanglant. Cependant, une certaine ironie se dégage et le ton de Fallout, fidèle aux jeux, amuse plus qu'il n'effraie. Pourtant, le show aurait pu être encore plus violent que ce qu'il n'est déjà, comme nous l'ont révélé Graham Wagner et Jonathan Nolan à l'occasion de l'arrivée de la série sur Prime Video.
Rencontre avec Jonathan Nolan et Graham Wagner
CinéSérie : Vous adaptez la franchise de jeux vidéo Fallout avec une histoire originale. Est-ce que de cette manière vous aviez une thématique ou un message que vous vouliez faire passer en priorité ?
Jonathan Nolan : Je ne suis pas vraiment à l'aise avec l'idée d'avoir une vision à offrir sur le monde. Surtout quand il est question de sujets aussi dramatiques que la fin du monde et que nous l'abordons avec de l'humour noir. Mais j'aime poser des questions. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, il y a quatre ou cinq ans, j'avais l'impression que certaines des préoccupations et des thèmes des jeux étaient presque rétro. Et malheureusement, chaque année depuis, c'est devenu un peu plus pertinent. J'aurais préféré que la série soit moins d'actualité en fait.
Graham Wagner : Le processus de création a duré trois ans, durant lesquels beaucoup d'idées nous ont traversé l'esprit. Mais l'un des éléments que nous voulions intégrer avec Geneva Robertson-Dworet, c'est ce qu'on a pu vivre durant le Covid. On était chacun chez nous, comme dans des abris à la manière de Fallout. Les gens se félicitaient pour ça, en se voyant comme des héros qui ont sauvé l'Amérique, alors que des personnes plus courageuses ou moins chanceuses que nous devaient sortir et travailler pour assurer les services essentiels du plus grand monde. Nous avons donc commencé à nous pencher sur ça, pour faire une sorte de satire de notre propre expérience pendant le Covid. Parce qu'on se sentait un peu grotesque à rester chez nous à ne rien faire.
On ressent ce côté grotesque avec vos personnages, surtout Lucy et Maximus, qui ne maîtrisent pas du tout les événements.
G.W : Oui, c'était vraiment intéressant de mettre en avant les défauts des personnages et de les mettre en difficulté dans des situations d'action, parce que cela bouscule les conventions. Je pense qu'aujourd'hui il y a énormément de séries, mais bien souvent, comme il y a de grands enjeux économiques, certains ont un peu peur de prendre des risques et ils privilégient le sérieux. J'ai senti qu'il y avait la place ici de faire du grand spectacle, mais autrement, moins sérieux.
Comme dans votre façon de représenter la violence. Il y a un contraste entre l'horreur qui se passe et le ressenti devant les images avec un montage décalé.
G.W : En fait, nous avions toutes sortes de violence dans les premières versions. Mais au montage, nous avons enlevé beaucoup de scènes violentes qui était plus terre-à-terre. Parce que nous avons découvert que la violence folle et exagérée devenait, faute d'un meilleur terme, quelque peu brechtienne. Et c'est comme si sa fausseté mettait un espace entre le spectateur et l'expérience désirée. Donc il fallait mettre un peu plus de joie dans l'horreur. Mais cela permet aussi de rappeler qu'on peut jouer avec la réalité et que donc le public doit rester sur ses gardes.
J.N : Il y a quand même une part d'horreur qu'on ressent je pense. Dans cette scène du mariage où Lucy se bat pour sa vie, pour elle c'est horrible et effrayant. Et le spectateur est supposé l'accompagner dans sa panique et sa peur. Mais il y a ce ton unique qui nous vient des jeux. Un ton presque gonzo, avec des moments sombres, qui suivent des moments de comédie, puis de la violence spectaculaire qui a en plus un sous-texte social. D'ailleurs, ce cocktail de violence, de noirceur, d'émotion, de politique, de satire et d'humour, c'est quelque chose que je n'avais jamais vraiment expérimenté auparavant.
C'est vrai que ce ton de Fallout peut surprendre quand on regarde votre travail Jonathan. Pourquoi ce changement ?
J.N : L'humour noir est quelque chose qui m'a toujours attiré, mais j'étais un peu nerveux à l'idée de m'y essayer. Je ne suis pas un auteur de ce style, je n'ai pas écrit des comédies. Mais l'équipe créative, constituée de moi-même, de Geneva et de Graham, était complémentaire. J'ai fait des adaptations de comics pour le cinéma, du spectacle d'action et d'aventure. Alors que Graham vient de la comédie, avec Portlandia, The Office et Silicon Valley. Nous voulions réunir ces différentes sensibilités qui sont encore une fois l'essence de Fallout, à la fois drôle et bizarre.
Il y a tout de même une certaine continuité avec votre précédente série Westworld, qui mélangeait aussi la science-fiction et le genre du western.
J'ai toujours aimé la science-fiction. Et j'aime les films et les séries qui ont un sens du naturalisme et qui sont dans la recherche de la beauté et de l'émotion. Je pense que le monde actuel est un peu ennuyeux, et j'ai toujours été attiré par des projets où l'on peut s'échapper de la réalité, où il y a un univers caché. C'est ce qui me plaît avec la science-fiction. Ensuite, Westworld et Fallout jouent sans cesse avec les genres. Mais je pense que c'est comme ça que les jeux vidéo, les séries et les films peuvent communiquer ensemble. En s'appropriant sans cesse différents genres.
Le mélange des genres passe aussi par la musique, avec l'utilisation de vieux morceaux. Là-dessus aussi vous restez fidèle aux jeux.
G.W : Oui, c'est quelque chose qu'on a repris des jeux vidéo qui utilisaient ce genre de musique pour accompagner l'imagerie de l'apocalypse. Je pense que c'est vraiment ce qui fait l'essence de Fallout, donc nous voulions capter ça pour la série. C'était aussi un bon moyen de s'assurer que le show ne serait pas triste et misérable dans sa façon de parler de l'apocalypse. Cela permet de garder ce côté amusant du spectacle.
Jonathan, en plus d'être producteur de Fallout, vous avez réalisé les trois premiers épisodes. Pourquoi autant ?
J.N : Pour Westworld, j'avais réalisé le premier épisode pour aider à introduire l'univers. Un univers que j'ai littéralement construit. Et c'était la même approche avec Fallout. Lorsque vous essayez d'adapter quelque chose d'aussi ambitieux et compliqué que ces jeux, il y a une responsabilité. Il faut trouver la meilleure manière de le faire. Et pour cela, le meilleur moyen est de se salir un peu les mains, donc de prendre ce rôle de réalisateur. Mais si j'ai fait trois épisodes, c'est aussi pour une raison d'équilibre. Il fallait au moins ces trois épisodes pour présenter l'ensemble de l'univers, dont certaines créatures. D'ailleurs, pour la représentation des monstres, c'était une problématique à laquelle je n'avais jamais été confronté. Heureusement, nous avons des départements d'effets visuels et d'effets spéciaux incroyablement talentueux.
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Fallout est actuellement disponible sur Prime Video.