Dans la nuit du dimanche 28 avril 2019, HBO a encore une fois fait très fort avec l'épisode 3 de la saison 8 de "Game of Thrones". Un épisode qui restera certainement dans les mémoires et qui peut être analysé de moult façons. Dans cet article, on a décidé de revenir sur la partie visuelle et notamment le choix de réduire la luminosité. Une proposition osée qui permettrait d'associer cet épisode à des représentations dans l'Art de l'Enfer, la fin du monde et l'Apocalypse. ATTENTION AUX SPOILERS !!!!
Durant 80 minutes, l'épisode 3 de la saison 8 de Game of Thrones nous a offert une bataille monumentale entre la plus grande armée humaine réunie à Winterfell et l'armée des morts. Les showrunners ont fait preuve d'une grande intelligence dans leur découpage de l'épisode, faisant évoluer les genres, allant du film d'action au film d'horreur (la scène d'Arya dans la bibliothèque). Une gestion du rythme qui permet de maintenir une tension palpable du début à la fin, faisant de cet épisode 3 quasiment un concentré d'une saison entière. Mais surtout, l'élément qui aura le plus frappé, c'est le travail visuel.
Une imagerie picturale et symbolique
On a tous pu noter l'obscurité poussée à l'extrême durant l'ensemble de l'épisode. Sur Twitter, les réactions n'ont pas traîné, beaucoup s'amusant du manque de lumière qui ne permettait pas de distinguer qui tombait au combat. Evidemment, il faut y voir un parti-pris de réalisation. Mais alors pourquoi ? Que provoque une telle proposition visuelle ? Miguel Sapochnik (qui a réalisé l'épisode) et son équipe seraient les mieux placés pour le commenter. En attendant une éventuelle déclaration de leur part, on ne fera donc que supposer ici de la volonté du réalisateur, et pourquoi pas de ses influences.
Selon nous, ce procédé, qui donne une luminosité extrêmement sombre avec une visibilité réduite au minimum, permet de reproduire l'aspect chaotique d'une bataille. Et plus particulièrement d'une bataille qui peut décider du sort de l'humanité. Cet épisode 3 de Game of Thrones donne ainsi à voir une imagerie de l'Apocalypse, de fin du monde, comme on peut en trouver dans des œuvres picturales du Moyen-âge au XIXe siècle. La direction artistique de l'épisode aurait alors pu puiser dans ces références pour mettre en place un véritable tableau en plusieurs parties.
1) Apocalypse et monde en feu
Dès les premières minutes, alors que Daenerys et Jon Snow sont positionnés en hauteur pour observer le début de la bataille qui voit les Dothrakis charger, on peut y retrouver une des représentations de Sodome et Gomorrhe, plus précisément La Destruction de Sodome et Gomorrhe (1852) de John Martin.
Si dans le tableau on y voit deux personnes en blancs fuir la destruction de Sodome, nos deux personnages de Game of Thrones, eux, se lanceront enfin dans la bataille pour mettre à feu leurs ennemis, instaurant ainsi ce début d'Apocalypse qui s'abat sur les hommes.
Dans la continuité, Daenerys, Jon et leurs dragons sont confrontés à une vague de froid, réduisant ainsi leurs capacités - incapable de cracher du feu. Une espèce de vague glaciale est alors créée, et à l'image, on pourrait rapprocher certains plans de The Great Day of His Wrath (le Grand Jour de Sa Colère) (1853) de John Martin toujours.
2) Les Hommes face à l'Enfer
Concernant les combats au sol, qui sont ainsi les moins visibles, on est là dans une représentation direct de l'Enfer. Les corps tombent et s'entassent, et la seule source de lumière provient de quelques torches ici et là, visible au loin. Une fumée jaunâtre commence alors à se répandre et l'image plus crasseuse contraste avec l'imagerie bleutée de la glace, visible jusque-là.
Outre l'image d'ensemble qui peut se rapprocher de Triomphe de la guillotine en enfer (1795) de Nicolas-Antoine Taunay et de certaines œuvres de Jérôme Bosch, à la moitié de l'épisode, alors que les morts sont parvenus à rentrer dans le château et qu'ils se jettent sur les hommes, on se trouve assez proche de certaines représentation du Diable dans l'art. D'autant plus lorsque le Night King fait face à Jon Snow et ranime les morts devant lui.
Enfin, comment ne pas parler du combat de dragons qui nous est proposé durant cet épisode ? On retiendra les plans des dragons au-dessus des nuages, juste avant la confrontation avec celui dirigé par le Night King. Un plan qui, dans sa construction et son esthétique peut être décrit comme pictural. Plus symboliquement, le combat "au corps-à-corps" des dragons peut être associé à La Lutte de Jacob avec l'Ange (1865) de Alexandre-Louis Leloir, ou encore Le Grand Dragon Rouge et la Femme vêtue de soleil (1805) de William Blake.
Au final, on aurait pu analyser quasiment plan par plan cet épisode d'une richesse incroyable. Car outre des références dans l'art pictural, c'est également du côté du cinéma que des rapprochements sont possibles, dans la mise en scène, dans des situations ou même dans l'utilisation de musiques. Nul doute qu'on ne risque pas de revoir une telle proposition à la télévision avant longtemps. Et quand bien même cet épisode venait à être "dépassé" dans le futur, grâce aux moyens toujours plus importants alloués aux séries désormais, Game of Thrones restera le show qui aura changé la donne, un précurseur qui aura marqué l'histoire du petit écran.
Game of Thrones continue la semaine prochaine avec l'épisode 4 diffusé sur HBO et OCS.
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