Rencontrées lors de la promotion de "Nudes", nouvelle série de Prime Video, les réalisatrices Andréa Bescond et Sylvie Verheyde sont revenues sur leur volonté de dresser un portrait large de la société, sur les contraintes de temps bénéfiques lors du tournage, et sur leur travail avec de jeunes interprètes peu expérimentés.
Nudes : la jeunesse est sur Prime Video
Prime Video a lancé le 1er février la série française Nudes, adaptée d'un programme norvégien de 2019. Le concept est simple : partir de la question de l'envoi de photos intimes et du cyberharcèlement pour représenter la jeunesse au sens large. Une idée qui a immédiatement convaincu Sylvie Verheyde, réalisatrice notamment de Stella est amoureuse, et la première à avoir rejoint ce projet dont lui a d'abord parlé le producteur Grégory Strouk. Comme elle nous le confiait lors de la promotion du show, la cinéaste a alors trouvé une continuité par rapport à son film précédent, avec la possibilité de retrouver des jeunes actrices qu'elle avait trop peu dirigées.
Je venais de faire Stella est amoureuse, sur les ados en 1985. J'avais travaillé avec beaucoup de jeunes et j'étais frustrée d'avoir donné des petits rôles à certaines filles, et je voulais continuer de travailler avec elles.
Sylvie Verheyde a dirigé à nouveau Léonie Dahan-Lamort (excellente), au premier plan de la partie sur Sofia, une lycéenne dont la première nuit avec une fille est filmée puis diffusée. Une histoire reprenant des thèmes chers à la réalisatrice, avec "une jeune fille en pleine émancipation, qui vient d'un milieu populaire et va entrer dans une bonne école, mais qui doit aussi assumer sa sexualité".
Une autre partie concerne Ada, une collégienne qui fait face aux dangers de la pédo-criminalité. Et une troisième partie est centrée sur Victor, accusé d'avoir posté la vidéo intime d'une fille de sa classe. Deux autres segments réalisés respectivement par Lucie Borleteau (A mon seul désir) et Andréa Bescond (Les Chatouilles). Cette dernière, également présente lors de la promotion de Nudes, avait de son côté l'envie de passer du point de vue des victimes à celui de l'auteur.
Des contraintes de temps qui ont été bénéfiques
Trois réalisatrices pour tourner chacune une partie composée de trois épisodes de 26 minutes (quatre épisodes pour Victor). Le projet paraît complexe, d'autant que les tournages se sont fait en peu de temps (entre trois semaines et un mois) avec peu de budget. Des contraintes de temps, qui ont paradoxalement permis aux réalisatrices de se libérer et d'oser, en suivant une des premières consignes des équipes d'Amazon.
Il y a eu la première réunion avec Amazon, qui nous a dit : "Osez". Ce qui fait plaisir, car dans le cinéma il y a des contraintes. Bien sûr, il y a des auteurs qui ont écrit la série (Julie-Albertine Simonney et David Fortems pour Sofia, Marine Maugrain-Legagneur et Victor Lockwood pour Ada, Anne-Lise Rivoire et Marie-Cécile Françon pour Victor, ndlr), mais comme il s'agit d'ados, pour les dialogues, il y avait forcément une marge de manœuvre.
Suivant ces mots de Sylvie Verheyde, Andrea Bescond nous confiait à son tour que la courte durée du tournage a créé une urgence et "une forme de liberté".
C'était pas mal cette contrainte de temps. Je me souviens avoir voulu faire un plan séquence. Puis Grégory Strouk m'a demandé si j'étais sûr. "Tu veux pas faire un backup quand même ?". Là je pouvais répondre : "Non mais j'ai pas le temps". Et je pouvais imposer mon idée.
C'est aussi au niveau du casting de Nudes que les réalisatrices ont imposé leurs choix. Car proposer une série avec des visages peu connus et avec des interprètes qui ont peu d'expérience, cela peut logiquement inquiéter une production. Mais leurs choix ont été payants. Les cinéastes ont trouvé le moyen de "se caler sur l'énergie des ados" pour rester toujours "du point de vue de ces gosses, pour ne pas se positionner en tant qu'adulte".
Une jeune génération d'actrices qui connaît les limites
Nudes parle donc de la jeunesse, avec "un but pédagogique, utile" sur le cyberharcèlement, comme nous disait Andréa Bescond, mais sans mettre de côté un aspect divertissant. Sans oublier la volonté des réalisatrices de montrer "une nuance sociale", nous précisait Sylvie Verheyde. Celle-ci a en effet tenté de déjouer certains clichés avec des personnages complexes, qui ne sont pas des stéréotypes, sans pour autant "évacuer le sujet de la diversité et de la classe sociale".
Au-delà du cyberharcèlement, c'est une photographie de la société. Enfin de la société aujourd'hui chez les jeunes. Avec une diversité normale, sur laquelle on ne cherche pas à appuyer.
Reste que le sujet principal des "nudes" peut être délicat à aborder. Et alors comment représenter cela sans tomber dans le voyeurisme ? Sans devenir soi-même ce qui est dénoncé ? C'était la grande préoccupation de Sylvie Verheyde au moment de tourner sa partie sur Sofia. Elle a donc fait le choix d'éviter la nudité pour la première séquence de Léonie Dahan-Lamort, craignant de mettre mal à l'aise son actrice.
Rapidement on a changé, on a opté pour un maquillage un peu incroyable. Je me disais, si ça la met mal à l'aise, ça ne va pas. On n'a pas envie de rentrer dans ce qu'on dénonce en montrant des petites nanas à poils.
Néanmoins, la réalisatrice a été agréablement surprise par ses jeunes actrices et leur capacité à "imposer leurs limites". Comme l'expliquait Sylvie Verheyde, "elles ont une sorte de maturité par rapport à leur image et là où elles veulent aller". Une mentalité rassurante pour la cinéaste, car "elles savent qu'il faut avoir des limites, qu'il faut en parler avant". C'est ce qui lui a permis d'aborder au mieux une scène d'amour entre Léonie Dahan-Lamort et Naomi Ekindi, en passant d'abord par un dialogue et une préparation avec les trois actrices.
Nudes est à découvrir sur Prime Video à partir du 1er février.