Ultra-violente et très noire, comme de coutume chez Olivier Marchal, sa nouvelle série "Pax Massilia" a pour elle un casting convaincant, entre nouveaux venus charismatiques et "gueules" fidèles au réalisateur. Néanmoins, l'intrigue paresseuse et le survol de ses thématiques empêchent la série de réussir entièrement son pari.
Olivier Marchal, le noir c'est le S
Les productions se suivent et se ressemblent pour Olivier Marchal. Si bien que son oeuvre commence à prendre l'air d'un volume encyclopédique dédié à un unique mot de la lettre "P", "P" comme "Police". Acteur et réalisateur spécialiste du métier qu'il a exercé entre 1980 et 1994, obsédé par sa réalité et ses fictions, le long-métrage exemplaire de sa démarche restera toujours 36 Quai des orfèvres (2004) - même si personnellement il lui préfère MR 73 - et sa série phare Braquo, qu'il a créée en 2009. Pour 2023 il a donc une nouvelle création, co-signée avec Kamel Guemra, qui s'intitule Pax Massilia et développe une intrigue policière violente dans le milieu criminel marseillais.
Comme dans Overdose, diffusé en 2022 sur Prime Video et près avoir réalisé Bronx pour Netflix en 2020, qui se passait déjà à Marseille, Olivier Marchal ressort les flingues, les grosses cylindrées et des personnages en tension, des "gueules" violemment confrontées au crime qui doivent gérer le drame constant qu'est leur quotidien de flic, avec ses très fréquentes fusillades, et leurs enjeux personnels, bien souvent liés.
Drogue, règlements de compte et ultra-violence à Marseille
Touchée dans certains de ses quartiers par une criminalité importante liée au trafic de drogues, Marseille fait régulièrement la une pour les règlements de compte qui se succèdent inlassablement. C'est au coeur de ce phénomène que Pax Massilia se déroule. En ouverture, un caïd, Franck Murillo (Nicolas Duvauchelle), s'évade violemment lors de l'enterrement de son fils et retourne à Marseille se venger des responsables de sa mort. Ceux-là sont à la tête du principal réseau d'alimentation et de distribution du trafic de drogue marseillais. Et Lyès, chef de l'unité spéciale des stups en charge d'enrayer le trafic et le violence, a un passé avec leur chef.
Le scénario n'a rien de très original, avec ses flics qui sont autant bien intentionnés que vrais ripoux, pas effrayés pour un sou mais vite faillibles, et ses criminels ultra-violents qui n'ont que l'argent comme objectif. Lyès doit faire face à plusieurs fronts : la guerre des gangs avant tout, à laquelle il doit mettre un terme, mais aussi protéger son groupe du flic de l'IGPN arrivé pour enquêter sur ses méthodes. Et enfin se protéger lui-même, lui et son passé trouble qu'il partage avec Ali Saïdi (Samir Boitard), chef millionnaire du trafic marseillais. C'est une des lignes intéressantes de l'intrigue générale : devant faire face à plusieurs drogues, plusieurs menaces, plusieurs réseaux, la police "négocie" avec certains criminels, pour au moins acheter une paix sociale à défaut d'endiguer le trafic...
Pour le reste, si la jeune Alice (Jeanne Goursaud), fraîchement arrivée de Paris et qui recherche l'assassin de son père (un certain Franck Murillo...), apporte une forme d'inédit dans ce récit 100% Marchal, Pax Massilia semble aller trop vite et donc faire une plongée de surface, à l'image des bolides de la police lancés régulièrement à pleine vitesse.
Pourtant Olivier Marchal, qui aligne à loisir des morts ultra-violentes, a eu l'idée d'en montrer un peu les dégâts sur la population civile, le désespoir d'une mère notamment, dont les deux fils sont assassinés dans la violente guerre qui oppose les deux clans marseillais. Ou encore l'impact sur les enfants des quartiers populaires, pour qui entrer en délinquance donnerait un avenir plus facile que rester dans le droit chemin. C'est malheureusement trop peu, et l'on sent que le respect des codes et des étapes du drame policier version Olivier Marchal, couillu et bourrin, est la priorité absolue. Aux dépens donc du développement de la réalité sociale et émotionnelle des personnages.
Un casting convaincant
Pax Massilia ne brille pas par l'originalité de ses intrigues, ni par sa représentation cliché du milieu criminel de la cité phocéenne. Mais on peut néanmoins remarquer qu'Olivier Marchal a rassemblé dans sa série un casting qui compte des membres talentueux. Tout d'abord, Tewfik Jallab, dans un des rôles principaux, le chef du groupe des stups Lyès. Son charisme, son intensité et sa noirceur correspondent parfaitement à son personnage. Pour une première dans l'univers d'Olivier Marchal, il est crédible dans ce rôle de flic déterminé et fondamentalement bon, mais dont la droiture reste aléatoire.
Autre talent, neuf celui-ci dans le paysage télévisé français : Jeanne Goursaud. L'actrice franco-allemande assure la fonction compliquée de la "nouvelle" du groupe, et qui fait donc office de jauge morale des actions du groupe. Elle est Alice, flic venue de Paris et qui a par ailleurs un compte personnel à régler avec un des deux principaux antagonistes de Pax Massilia. Pour son premier rôle dans une production française, elle semble s'être faite tout naturellement aux codes du cinéma d'Olivier Marchal. Son personnage est un des plus intéressants.
Par ailleurs, Olivier Marchal a ramené des "gueules" qu'il connaît bien, pour avoir déjà travaillé avec eux. Surtout du côté criminel, avec Nicolas Duvauchelle et Moussa Maaskri, ou encore Martial Bezot. Côté flics, on retrouve Olivier Barthélémy et, pour une première collaboration, Florence Thomassin joue un personnage proche de celui qu'incarnait Catherine Marchal dans MR 73.
Au final, si on ne s'ennuie pas devant Pax Massilia, on a quand même la sensation de tourner en rond, et aussi celle que ses créateurs auraient comme usé abondamment de la violence graphique pour dissimuler une forme de paresse pour le reste. Alors qu'il y avait sans doute plus à dire et mieux à faire. Parce que si Olivier Marchal n'a pas la mise en scène virtuose de Cédric Jimenez (BAC Nord) ni l'écriture efficace et perspicace de Jérémie Guez (B.R.I.), il a un profil suffisamment complet et des compétences éprouvées pour s'obliger à mieux.