Huit ans après l'arrêt de la série culte de la Fox, "Prison Break" a remis le couvert pour une cinquième saison. Le 15 juin dernier avait été diffusé sur M6 le premier des neuf épisodes au total. L'idée de dépoussiérer cette série était-elle bonne ? C'est ce que nous allons voir ensemble...
Avant de s'attarder sur cette saison, j'aimerais revenir en arrière, car Prison Break n'a pas toujours été une série qui brillait par ses qualités scénaristiques. Si il n'y a pas beaucoup de choses à reprocher à la saison 1, les trois autres étaient plus que bancales à ce niveau-là (la saison 3 a été victime de la grève des scénaristes qu'il y a eu à l'époque à Los Angeles). Jusqu'à atteindre un niveau de bêtise lors de la saison 4 et de son Final Break.
Du neuf avec du vieux dans Prison Break Revival
La possibilité de retrouver cette série n'était pas des plus enthousiasmante, surtout à cause de son synopsis. En faisant revenir Michael Scofield (Wentworth Miller) sur le devant de la scène, la série pratique un virage à 180 degrés.
Comme l'indiquaient les bandes annonces, Michael est bien en vie, cette fois c'est lui qui se retrouve enfermé dans une prison au Yémen et c'est son frère Lincoln Burrows (Dominic Purcell) qui va devoir le faire évader.
À la vue de ce pitch, on ne pouvait s'empêcher de penser à une espèce de remake de la saison 3 de Prison Break. Rappelez-vous, les rôles étaient là aussi inversés. Michael se retrouvait enfermé à Sona, l'une des prisons les plus "dangereuses" du Panamá qui avait la particularité de laisser les détenus presque livrés à eux même et Lincoln de l'extérieur devait aider son frère à s'évader.
Des facilités scénaristiques
Après ce bref retour dans le passé et au regard de ce Prison Break Revival, Paul T. Scheuring, le showrunner n’a pas retenu les leçons du passé. Il reprend les défauts d'écritures qui caractérisaient trois des quatre saisons de sa série, préférant les raccourcis scénaristiques pour mettre en route sa nouvelle intrigue. Cela se traduit par :
Un schéma narratif qui se répète pendant une bonne partie de la saison. Lors des 4 premiers épisodes au Yémen, les épisodes démarrent de la même façon. Michael fait parvenir un message de la prison à son frère sous forme de code. Des instructions qui permettent à Lincoln et C-Note de démarrer leurs intrigues afin d'aider Michael dans son entreprise d'évasion.
Des grosses ficelles également comme nous faire croire que Michael a changé radicalement alors qu'une multitude de possibilités laissaient penser le contraire. Un aspect de la psychologie du personnage qui est traité sans aucune subtilité. Il aurait fallu des actes forts de la part de Michael pour nous faire douter de son évolution et de sa nouvelle identité en tant que Kaniel Outis. Il est dommage que Scheuring ne soit pas allé au bout de son intention.
Dans la partie se passant à New-York, les scénaristes occultent même totalement les événements et les relations qu’entretenaient les personnages des saisons précédentes pour servir leur histoire.
Des éléments de mauvais goûts qui viennent s'ajouter en tentant d'introduire un début de romance entre Lincoln et Sheba au Yémen.
Comprenons bien que nous avions seulement 9 épisodes, bien chargés entre intrigue et sous-intrigues qui certes étaient survolés mais qui occupaient déjà bien les 42 minutes. En voulant aller au bout de son idée, Paul T Scheuring n'a fait que ressortir une ficelle scénaristique déjà exploitée dans la saison 3. Rappelez-vous qu'au Panamá, Lincoln s'était épris de Sofia, une panaméenne qui lui venait en aide pour faire évader Michael et Whistler, le mari de Sofia. Si vous aviez encore des doutes concernant un remake de la saison 3, le voilà dissipé. De plus par rapport au contexte que l'on nous décrit en début d'épisode 2, ce début de romance qu'on voit arriver à 10 kilomètres n'avait pas lieu d'être. On est en pleine zone de guerre, Lincoln n'a qu'un objectif en tête, libérer son frère et on nous vend un début d’amourette au milieu de ce chaos local !?
L’évasion et sa préparation étaient la sève de la série. Elle se retrouve totalement bâclée et inintéressante. Là aussi, le showrunner s'en sort avec des facilités scénaristiques aberrantes. La première tentative lors de l'épisode 3 est pitoyable, ça se compare à un ado qui aurait voulu faire le mur. La seconde également, parce qu’elle ne fait pas appel aux capacités intellectuelles mais à des éléments extérieurs qui lui sont avantageux. Le créateur de la série nous a sciemment privés de tout ce que la première saison avait de bon à offrir et qu’on était en droit d’avoir pour ce Prison Break Revival. L’observation et la mise en place du plan étape par étape de Michael, était un des éléments qui faisait de Prison Break un bon divertissement télévisuel.
Ce manque de détail dans l'écriture n'est là que pour privilégier une seule chose : le rythme. Car si il y a bien une chose que l'on ne pourra pas reprocher à ce Prison Break Revival, c'est bien cela. Les 42 minutes sont extrêmement dynamiques et vont droit au but.
Des personnages secondaires insipides et caricaturaux
Parmi les personnages décevants de cette saison, T-Bag arrive à la première place. Il n'est plus que l'ombre de lui-même. Là où à l'époque, chacune de ses apparitions pouvaient représenter un danger, ce n'est plus le cas aujourd'hui. T-Bag avait certains tics expressifs qui le caractérisaient et qui en faisaient un personnage bien à part dans la série. Cette langue qui sortait de temps à autres accentuait le côté bestial et prédateur de l'antagoniste. Un avertissement pour le spectateur nous disant qu'il avait une idée derrière la tête ou une proie sur laquelle il comptait déverser son venin. À-cela une présence aléatoire dans la saison et des révélations qui ne justifient en rien sa sortie de prison. Rappelons que T-Bag est un tueur et un violeur multirécidiviste. Le changement qu’ils ont opéré sur lui n’est pas du tout le bienvenu et les révélations le concernant bien décevantes.
Les codétenus de Michael au Yémen ne sont pas mieux traités non plus. Le manque de profondeur dans l'écriture de Whip, Ja et Sid a été vite ressenti et s'est payé très cher.
Un manque d’épaisseur qui fait qu'ils nous paraissent étrangers. Whip, Sad et Ja n'ont pas eu la même attention qu'avait obtenue dans le passé des personnages comme Sucre, C-Note ou Abruzzi. Leurs destins ne nous importent peu, le manque de travail a fait que nous ne ressentons rien pour ces nouveaux protagonistes.
Parlons un peu des antagonistes de ce Prison Break Revival, notamment de Poséidon, le bad guy de cette saison. Si son identité est trop vite devinée par le spectateur. Dès que Sara découvre qui il est vraiment, les scénaristes s'attardent sur Poséidon et là, c'est une caricature à laquelle on a droit. Le jeu des acteurs n'y est pas pour rien non plus dans ce sentiment qui se dégage.
Ses sbires A&W et Van Gogh ne sont pas mieux lotis. Pourtant, Paul T Sheuring leur a consacré une grosse partie de l'épisode 6 (le plus faible de la saison). Mais ces deux personnages sont tellement stéréotypés et dénués de charisme que l'intention bien que louable d'avoir tenté de les approfondir a été un échec total. De plus, le fait de leur avoir consacré une partie de l'intrigue lors de cet épisode a alourdi la narration au détriment du rythme.
Pour en finir avec Prison Break Revival…
Le problème réside dans le format choisi en favorisant 9 épisodes d'une durée de 42 minutes. Le showrunner ne se laisse pas le temps de poser son intrigue et ses protagonistes. Il est conscient que le temps est limité et prend donc le risque d'aller à 100 à l'heure. Ce qui est dommage, en prenant le Yémen comme lieu central de l'histoire, on est passé à côté du contexte politique du pays. Ce qui était l'une des thématiques de fond qui fait référence à l'actualité : le terrorisme. On sera d'accord pour dire que ce n'est pas le but premier de la série, mais quitte à refaire une saison, autant changer ce qui n'allait pas dans les précédentes, non ?
L'autre souci de Prison Break Revival est dans la réalisation. Aujourd'hui, les séries tentent de se rapprocher à ce niveau du cinéma. La série est resté à son époque et a presque 10 ans de retard, un côté kitch qui ne passe plus du tout. La révélation de Poséidon en est le parfait exemple. Ce montage qui était censé faire monter la tension alors que nous connaissions son identité depuis l'épisode 4 ou 5. Il en est de même pour les cliffhangers de l' épisode 6 et 8 qui ne sont plus permis tellement ils sont outranciers et se moquent clairement du spectateur.
Il ne faut pas oublier non plus que la saison 4 s'est stoppée en 2008. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et l'attachement que l'on pouvait avoir à l'époque pour ces personnages a bel et bien disparu. Il nous suffit de voir les scènes entre Michael et Sara pour constater que l'alchimie ne fonctionne plus.
Quantitativement et qualitativement parlant, ce retour de Prison Break Revival n'était pas à la hauteur. Il aurait été surement plus judicieux de rallonger les épisodes de 20 min supplémentaires pour laisser respirer le récit, placer posément ses thématiques et introduire correctement les personnages. L'action aurait très bien pu prendre l'ascendant au fur et à mesure de la saison. Cependant, les fans de la première heure auront été surement ravis de retrouver leurs personnages favoris, le jeu d'énigme de Michael Scofield et un rythme frénétique.