Phénomène mondial lors de sa sortie en 1974, « Emmanuelle » est disponible sur Netflix. Pour l’occasion, retour en plusieurs anecdotes sur la naissance du film érotique qui échappa de peu à la censure et fit de Sylvia Kristel une star, au point de l’enfermer dans la peau de l’héroïne jusqu’à la fin de sa carrière.
Emmanuelle : un tournage marqué par les difficultés
Sorti en 1974, Emmanuelle est le premier film érotique ayant eu droit à une exploitation dans les salles de cinéma grand public en France. Adaptation d’un roman éponyme écrit par Emmanuelle Arsan et publié en 1959, le film relate le périple d’une jeune femme aux mœurs libérées. Après avoir rejoint son mari Jean (Daniel Sarky) à Bangkok, Emmanuelle (Sylvia Kristel) s’ennuie, jusqu’à sa rencontre avec Bee (Marika Green) et Marie-Ange (Christine Boisson). En se rapprochant d’elles, l’héroïne se lance dans une quête vers la jouissance, marquée par des rencontres qui bouleverseront sa vie.
Véritable phénomène dans les salles obscures françaises, Emmanuelle rassemble au total près de 9 millions de spectateurs en France, et plus de 50 millions dans le monde entier. Sur les Champs-Elysées, le long-métrage reste à l’affiche pendant 12 ans. Un succès en partie dû à celui de la comédie dramatique Les Valseuses, sorti plus tôt la même année, puisque la bande-annonce est projetée au début de chaque séance. Par ailleurs, deux mois avant la sortie d’Emmanuelle, le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing permet au film d’échapper à la censure, grâce à l’insistance du producteur Yves Rousset-Rouard auprès de Michel Guy, ministre de la Culture. Le long-métrage a droit à son exploitation, agrémentée de la mention « interdit aux moins de 18 ans ».
Derrière ce carton se cache un tournage compliqué. Filmé à l’aveugle en Thaïlande avec un budget médiocre, Emmanuelle provoque la colère de la production restée à Paris lors des premiers visionnages. Le réalisateur et photographe Just Jaeckin se voit reprocher de ne pas en montrer suffisamment. Les ennuis s’accumulent lorsque la police thaïlandaise accuse le réalisateur et son équipe d’avoir tourné une scène torride dans une cascade à proximité d’un temple bouddhiste. Malgré ces embûches, Just Jaeckin parvient à boucler son film, rapidement auréolé d’une réputation sulfureuse.
Sylvia Kristel, enfermée dans la peau d’Emmanuelle
Âgée de 21 ans lors du tournage, Sylvia Kristel est convaincue qu’Emmanuelle est le projet qui lancera sa carrière. Sur le plateau, l’actrice vit une situation violente. La comédienne voit des souvenirs traumatisants resurgir au moment de filmer une scène de viol, où son partenaire ne joue pas et se montre extrêmement brutal. Un comportement qui la renvoie aux attouchements du gérant de l’hôtel de ses parents subis à l’âge de neuf ans, qu’elle évoque en 2006 dans son autobiographie intitulée Nue.
La comédienne gardera toujours un souvenir amer du rôle, qu’elle reprendra à cinq reprises au cinéma jusqu’en 1993, et duquel elle ne parviendra pas à se détacher malgré plusieurs tentatives (René la Canne, Airport '80 Concorde). Elle fera ensuite plusieurs apparitions dans des téléfilms surfant sur le succès de l’héroïne. Citée par Paris Match, l’actrice déclarera à propos de son personnage :
Ce rôle d’Emmanuelle m’a réduite pour toujours. J’ai mis longtemps à me construire, à me pardonner.
La comédienne, décédée à 60 ans en 2012 d’un cancer du poumon, affirmera malgré tout ne pas regretter ses choix de carrière. En 2010, lors de la sortie du documentaire Le Plus beau métier du monde de Valérie Stroh, Sylvia Kristel déclare :
Cette carrière, je l’ai voulue. J’étais jeune, la vie m’attendait, c’était un printemps éternel…
Emmanuelle est disponible sur Netflix.