Inspiré de l’incroyable histoire vraie d’un pilote québecois, « Flight » est un drame dans lequel Denzel Washington évite un crash sous l’emprise de l’alcool et de drogues. Immédiatement présenté comme un héros, cet homme en proie à ses addictions doit ensuite faire face à la justice. Retour en plusieurs anecdotes sur la création de ce film signé Robert Zemeckis.
C’est quoi Flight ?
En 2013, après avoir développé la performance capture sur une trilogie bluffante composée de Le Pôle Express, La Légende de Beowulf et Le Drôle de Noël de Scrooge, Robert Zemeckis fait son grand retour au cinéma live avec le drame Flight. Le film démarre sur un sauvetage miraculeux effectué par le pilote « Whip » Whitaker (Denzel Washington) lors d’un vol public en direction d’Atlanta. S’il est immédiatement présenté comme un héros par les médias pour avoir sauvé 96 personnes à la suite d’une panne supposée du gouvernail, ses tests toxicologiques attirent l’attention du Conseil national de la sécurité des transports, qui menace de le poursuivre en justice. Car avant d’embarquer et de réussir une manœuvre impossible avec sang-froid, Whitaker avait ingéré son cocktail quotidien à base d’alcool, de cocaïne et de cannabis.
Avant Clint Eastwood et Sully, Robert Zemeckis s’intéressait déjà au traitement que réservent les institutions procédurières à un homme ordinaire érigé en héros à la suite d’un acte exceptionnel. Flight pose lui aussi bon nombre de questionnements moraux sur le contournement des règles et l’importance des moyens vis-à-vis de la finalité. Mais contrairement au commandant Sully Sullenberger, le personnage principal ne représente pas vraiment le quidam américain propre sur lui.
Si les premières minutes de Flight prennent la forme d’un film catastrophe à travers une séquence hallucinante, la suite s’apparente à une tentative de rédemption, ou plutôt un véritable chemin de croix. Les rechutes sont nombreuses et Whip Whitaker touche le fond à plusieurs reprises. Grâce à une mise en scène porteuse de sens, le réalisateur laisse toujours l’espoir au spectateur de voir le pilote en finir avec ses vieux démons, avant que son alcoolisme ne refasse surface de manière discrète mais désarmante sur des plans mémorables. Le regard bienveillant et lucide de Nicole (Kelly Reilly), toxicomane en rémission qui rencontre Whip à l’hôpital, renforcent l’émotion autour de la prise de conscience du héros. Au-delà du ton conservateur régulièrement reproché à Robert Zemeckis, le long-métrage marque surtout les esprits grâce à leurs séquences communes, la performance exceptionnelle de Denzel Washington et les apparitions hilarantes de John Goodman.
L’histoire vraie derrière Flight
Flight s’inspire de l’histoire vraie de Robert Piché. Le 24 août 2001, ce pilote québécois est aux commandes d’un vol Toronto-Lisbonne de la compagnie Air Transat. Lorsque les deux moteurs de son Airbus ne répondent plus à la suite d’une fuite de carburant, Piché réussit à faire planer l’engin pendant plus de vingt minutes au-dessus de la mer, avant d’atterrir en urgence sur la piste de Lajes, aux Açores.
Ses manœuvres lui permettent de sauver la vie de 293 passagers et des 13 membres de son équipage. Saluant d'abord son geste incroyable, les médias lèvent ensuite le voile sur le passé de Robert Piché. En 1983, après avoir été congédié de la compagnie Québecair en raison des difficultés financières de l’entreprise, le pilote avait accepté de transporter de la drogue de la Jamaïque à la Géorgie.
Condamné à 10 ans de prison, Robert Piché est libéré au bout de seize mois. En 1995, après avoir enchaîné plusieurs petits boulots, le pilote est embauché par Air Transat. À la suite des révélations de la presse en 2001, il sombre dans l’alcool et suit une thérapie pour vaincre son addiction. Avant Flight, son histoire avait déjà fait l’objet d’une adaptation intitulée Pichée : Entre ciel et terre, sortie en 2010 au Québec. À propos de son sauvetage, le pilote aujourd’hui retraité expliquait lors d’une interview accordée à TVA Nouvelles en 2017 :
Je compare souvent ça à la prison, parce que je me suis retrouvé dans une affaire qui était plus grande que moi, et j’ai réussi à m’en sortir. J’étais dans le pire des scénarios, mais à cause de l’adrénaline, je me sentais en contrôle. C’est une sensation incomparable et je me sens privilégié d’avoir pu sentir ça dans ma vie.
Flight : un crash immersif et bluffant
Après les 200 millions de dollars accordés au Drôle de Noël de Scrooge, Robert Zemeckis a dû se contenter d’un budget nettement plus restreint pour Flight, chiffré à 30 millions de dollars. Le cinéaste a donc redoublé d’ingéniosité pour mettre en boîte la scène du crash. Il a fait appel aux équipes avec lesquelles il a conçu sa trilogie en performance capture et a renouvelé ses expérimentations numériques, qu’il poursuivra par la suite sur The Walk, Alliés et Bienvenue à Marwen. L’accident mélange incrustations sur fond vert, matte paintings et animations en effets spéciaux.
Trois cabines d’avion ont par ailleurs été conçues pour les besoins du film. L’une d’entre elles, surnommée « la rôtissoire », avait la capacité de pivoter sur 360 degrés. Denzel Washington, qui a préféré ne pas être doublé pour cette scène et qui n’a pas compté ses heures dans un simulateur de vol, déclarait dans un making-of promotionnel :
On monte là-dedans, on fait semblant de piloter un avion, on est suspendu la tête à l’envers. C’est vraiment sympa. C’est un boulot formidable.
À l’écran, le résultat est d’une tension et d’un réalisme impressionnants. Flight est à voir ou revoir sur Netflix.