Dans "Good Time", Robert Pattinson vit une nuit chaotique pendant laquelle il tente de faire évader son frère atteint d’un handicap mental. Une course effrénée que les frères Safdie filment avec une énergie galvanisante. Retour sur cette collaboration née grâce à l’impulsion de l’acteur, conquis par la vision de cinéma des réalisateurs d’ "Uncut Gems".
Good Time : la chute d’un héros méprisable mais flamboyant
Après avoir lorgné du côté de Panique à Needle Park avec Mad Love in New York, Josh et Benny Safdie signent avec Good Time un thriller dans la lignée d’After Hours. Récit de fuite ramassé sur quelques heures, ce film sorti en 2017 suit la trajectoire chaotique de Connie Nikas, un personnage qui, contrairement à celui du long-métrage grinçant de Martin Scorsese, n’est jamais confronté à des éléments fantastiques.
L’univers dans lequel il évolue est on ne peut plus réel, et le héros est le seul responsable de la course dans laquelle il s’embarque, même si ses intentions initiales sont compréhensibles. Désireux de préserver son petit frère Nick (Benny Safdie), atteint d’un handicap mental, Connie (Robert Pattinson) rêve de quitter New York et de vivre en pleine forêt avec lui. Pour atteindre cette utopie, il l’embarque dans un braquage qui tourne mal. Les deux frères se retrouvent rapidement séparés. Alors que la situation dégénère pour le cadet, incarcéré à Riker’s Island, l’aîné va tout faire pour venir le chercher.
Avec Good Time, les frères Safdie suivent la tradition du film noir, désireux de réaliser une œuvre qui va à l’essentiel et qui ne se détourne jamais de son personnage principal, focalisé sur un unique objectif. Jusqu’à la magnifique conclusion bercée par la voix d’Iggy Pop, le spectateur voit Connie sombrer. La prouesse des réalisateurs est de le présenter comme un héros et de faire passer au second plan la morale au profit d’un rêve inaccessible et profondément romantique. À cela s’ajoute une montée en pression sublimée par des jeux de lumière et des gros plans qui finissent d’écraser Connie dans un environnement duquel il ne peut s’échapper. Des exploits qu’ils viennent de réitérer en début d’année avec Uncut Gems.
Robert Pattinson conquis par le travail des réalisateurs
En se lançant dans la réalisation, Josh et Benny Safdie étaient déterminés à rester dans une dynamique indépendante. Cela passait notamment par le fait de faire appel à des acteurs non-professionnels, comme l’explique Josh Safdie dans un entretien autour de Good Time :
Pendant les cinq premières années de notre carrière professionnelle, (…) on ne voulait rien avoir à faire avec l’industrie du cinéma, on voulait être tranquilles. On pensait que pour accéder aux mondes qu’on voulait explorer, il fallait en découvrir la poésie chez de vraies personnes. On était vraiment dégoûtés par les agences à Hollywood et ceux qui suivent les règles à la lettre.
Tout en proposant un cinéma singulier et reflétant notamment une vision de New York éloignée de celle des majors hollywoodiennes, les réalisateurs ont eu envie de toucher un plus large public. Raison pour laquelle ils ont fait évoluer leur vision sur le choix de leurs distributions. De son côté, Robert Pattinson s’est progressivement écarté du carcan des grosses productions, avant d’y revenir récemment avec Tenet et The Batman. Ces dernières années, le comédien a joué dans des projets aussi différents et audacieux que The Rover, The Lost City of Z, High Life ou encore The Lighthouse. En découvrant un aperçu du travail des réalisateurs de Mad Love in New York, Robert Pattinson a immédiatement été séduit, comme le raconte Josh Safdie :
Pour faire de plus gros films, on a réalisé qu’il fallait collaborer. C’est ce qu’on a fait avec l’industrie, mais ils ne se souciaient pas de nous. D’ailleurs c’est toujours le cas. Pour la majeure partie, c’est une vraie bataille. Ensuite, on a pris les choses en main et on a fait Mad Love in New York. (…) Quand on a fait ce film, les seules personnes payées étaient les acteurs. (…) L’énergie et l’amour qui en émanaient sont parvenus jusqu’à Robert (Pattinson). Il les a ressentis en une image. Il n’avait même pas vu tout le film.
Le comédien s’est ensuite montré extrêmement convaincant dans un mail adressé aux Safdie. Une force de persuasion que l’on retrouve d’ailleurs chez Connie, menteur patenté mais attachant. Good Time est à voir ou revoir sur Netflix.