"Mon voisin Totoro" est un des films d'animation les plus vénérés de l'histoire. Il a pourtant failli ne jamais exister car Hayao Miyazaki, son réalisateur, avait honte de la légèreté de son sujet.
Mon voisin Totoro : un film pour tous
Il existe certains films qu'on peut découvrir et aimer à n'importe quel âge. Mon voisin Totoro est de ceux-là. Mis en scène et écrit par Hayao Miyazaki, on y suit les aventures de deux sœurs japonaises qui vivent seules avec leur père. Leur mère est malade et les deux jeunes filles attendent avec impatience qu'elle soit en meilleure santé pour la revoir. La famille séjourne dans une maison de la campagne japonaise entourée de majestueuses forêts aux immenses arbres.
Dans cette étendue de verdure se cachent des monstres mignons aux pouvoirs magiques. La plus grande de ces créatures s'appelle Totoro et va devenir le compagnon de leurs virées fantastiques.
Totoro, il faut le dire, c'est un peu le personnage auquel personne ne résiste. Il est tout rond, tout doux, gentil, peut voler et même transformer des graines en arbres dans un mouvement de bras. Son design est juste parfait. C'est un monstre, mais il ne fait pas peur, bien au contraire. On a juste envie de s'endormir sur son gros ventre laineux. Summum du mignon ? Oui, mais il aurait pu en être autrement car son créateur a failli en changer son caractère.
Un vieux projet
Pour comprendre l'envie de Miyazaki de faire un film plus sérieux, il faut revenir à la genèse de Mon voisin Totoro. L'idée vient au jeune réalisateur au début des années 80. Il souhaite réaliser un film chaleureux, ne contenant ni conflit, ni confrontation. Il y trouve l'inspiration dans le supplément d'un journal qui revient sur le Japon des années 40. Le metteur en scène décide alors de construire son long-métrage avec une ambiance proche de l'innocence du pays à l'époque, avant que Tokyo ne se transforme en ce monstre urbain qu'elle est rapidement devenue. Il veut du vert, du vert, et encore du vert !
Il propose son idée à la maison de production Tokuma Shoten, qui la rejette une première fois. Entre temps, Miyazaki met en scène Le Château dans le ciel, et repropose son idée après la production de celui-ci fin 1987.
Le projet est attrayant, mais trouver le budget pour le produire est compliqué. Il faut dire qu'à l'époque, les longs-métrages d'animation ne sont pas encore autant couronnés de succès que de nos jours. Les financiers et les distributeurs ont donc beaucoup de mal à croire en cette histoire de monstre de la forêt. Le producteur Toshio Suzuki a alors une idée géniale qui va déloquer les choses, mais aussi confronter le réalisateur japonais au message de son film.
Coup double et coup de génie
Suzuki s'approche en effet de l'éditeur Shinchôsha. Si ces derniers l'aident à financer Mon voisin Totoro, il s'engage à produire l'adaptation d'un de leurs romans écrit par Akiyuki Nosaka : La Tombe des lucioles. Il propose également que les deux films soient projetés l'un après l'autre pour le prix d'un seul billet. Shinchôsha, voulant à tout prix percer dans le cinéma, accepte ce drôle de deal. Isao Takahata, complice de Miyazaki, accepte de mettre en scène ce qui deviendra Le Tombeau des lucioles.
Mais si le deal permet à Miyazaki de réaliser son film, il va aussi lui faire ressentir un sentiment de honte. En y réfléchissant, il trouve que son sujet est bien trop léger face à celui bouleversant de l'autre film qui l'accompagnera. D'un côté, une histoire de monstre mignon de la forêt. De l'autre, des enfants abandonnés qui essaient de survivre à la guerre. Ayant peur de faire preuve de frivolité, le réalisateur reprend son scénario et décide de faire des coupes dans ce qu'il juge trop joyeux. Le Chat-bus disparait, tout comme la scène du vol sur des toupies.
Le producteur Suzuki a vent de cette histoire et va quérir Takahata. Ce dernier estime alors que ce serait un vrai gâchis de perdre ces scènes. Il va voir Miyazaki et le convainc de les garder. Le génie japonais décide d'écouter le conseil de son ami et fait le film que nous connaissons (et aimons) aujourd'hui. Et c'est un frisson de peur qui nous traverse à la seule idée que le film aurait pu être différent. Il est et sera toujours une petite bulle de bonheur qui fait sourire pendant 86 minutes.
Mon voisin Totoro est disponible en streaming sur Netflix.