Les zombies et autres infectés n’ont jamais eu autant la cote. Alors que les États-Unis sont envahis depuis des années par les morts-vivants de The Walking Dead, que la nuit a dévoré le monde sort demain dans l’Héxagone , ce sont Les Affamés qui s’invitent au Québec. Une nouvelle pépite made in Netflix qui, si elle n’est pas exempte de défauts, offre un beau moment d’humanité mêlé à du fatalisme et un soupçon d’humour, à ses spectateurs.
Réalisé par Robin Aubert, Les Affamés brille d’abord par son casting 4 étoiles. Marc-André Grondin, star du C.R.A.Z.Y. de Vallée, est aussi juste que méconnaissable aux côtés de Monia Chokri, connue pour Les amours Imaginaires de Xavier Dolan. Des acteurs insufflant une grande humanité à des personnages qui ne savent où aller, ont abandonné tout espoir. Car c’est là où Les Affamés tape fort : dresser le solide portrait de survivants qui devront se serrer les coudes malgré une fin du monde programmée, inévitable. Le film prend son temps et offre des errances poétiques de toute beauté, où le moindre danger croisé suffit à faire monter une tension toujours bien amenée. Comme pour désamorcer ce stress toujours palpable, Robin Aubert s’autorise même un running-gag tordant dont la chute surprendra plus d'un spectateur.
Le fatalisme est donc l’un des points centraux du film. Jamais le cinéaste n’ira s'épancher longuement sur le passé de ses personnages, le présent étant suffisamment merdique comme ça. Au milieu des errances poétiques, le mutisme est roi : inutile de dévoiler ses faiblesses, d’attirer les affamés. Des affamés qui, chose voulue, provoquent souvent la compassion, ne répondent qu’à leur instinct et pratiquent un rituel aussi étrange que fascinant. On se surprend à plisser des yeux pour mieux observer l’étrange coutume des affamés, tenter de les distinguer des humains - à l’image de cette scène, au début du film, où deux silhouettes apparaissent au détour d’un chemin boisé.
Les Affamés par ailleurs couronné du prix du jury au dernier Festival de Gerardmer, ne lorgne jamais dans le gore gratuit, la complaisance. Bien évidemment, Robin Aubert offre de jolis moments sanglants (bien souvent amenés par une desperate housewife emplie d’une colère devinée par son regard). Les balles sont précieuses, la confrontation direct avec les affamés rime avec suicide. Ces derniers, capables d’attirer leurs congénères avec un cri distinctif qui hante la bande-son du film, sont des ennemis redoutables. Souvent malins, prêts à courir, les créatures se rapprochent plus d’infectés que de véritables morts-vivants - bien que l’amour de la chair fraîche soit présente.
Le film tire souvent le spectateur vers un questionnement fataliste : au milieu de cette campagne québécoise, où les survivants sont rares, ne vaut-il mieux pas abandonner et rejoindre le côté des affamés ? Après tout, leurs rangs grossissent et les vivres se font rare, la survie compliquée : l'étau se resserre inévitablement. Malgré les grands espaces, beaucoup moins piégeux qu’une grande ville, l’espoir semble peu permis.
La dernière réalisation de Robin Aubert, nouvelle pépite de Netflix, se savoure donc comme un film d’infectés contemplatif. Mutique, prenant son temps, souvent drôle, ne vous attendez pas à un voyage mouvementé. Ici, on prend son temps, on observe, et on garde les yeux ouverts : les affamés rôdent...
Nassim Chentouf (6 mars 2018)