Avec "American Sniper", Clint Eastwood a signé son plus gros succès commercial derrière la caméra. Mais il a aussi provoqué la controverse à cause de son sujet. Retour sur la polémique de l'époque et sur, à notre sens, pourquoi elle n'avait pas tant de raison d'être.
American Sniper : Clint Eastwood cartonne au box-office
On ne présente plus le monument Clint Eastwood. En plus d'être un grand acteur, il peut se targuer d'être un grand réalisateur. Ce qui n'est pas rien quand on sait à quel point tant de ses homologues n'ont pas la même réussite avec les deux casquettes. À ce jour, American Sniper reste son plus gros succès financier derrière la caméra (547 millions de dollars au box-office mondial).
Le long-métrage sorti en 2015 chez nous est basé sur l'autobiographie de Chris Kyle, un soldat américain qui s'est forgé une réputation légendaire au sein des SEAL. Tireur d'élite à la précision létale, il opère en Irak et laisse derrière lui un nombre élevé de victimes. Tant et si bien que les ennemis vont aussi s'en remettre à un sniper, Mustafa, pour essayer de vaincre le prodige de la gâchette. En parallèle de ses passages au front, American Sniper s'attarde sur le retour (impossible) à la vie normale et aux conséquences psychologiques engendrées par la guerre.
Retour sur la controverse
À sa sortie, American Sniper rencontre le succès financier, mais n'échappe pas à la polémique. Certains vont accuser Clint Eastwood de faire le jeu de l'armée et de glorifier un homme qui ne devrait pas vraiment l'être. Tout un débat s'engage sur la nature de Chris Kyle. Est-il un héros ou un assassin ? Pour Michael Moore, le réalisateur engagé auteur de documentaires chocs, les snipers sont des lâches. Un homme planqué qui abat des cibles à distance n'a rien d'un héros. Ses propos véhéments sont à mettre en relation avec l'histoire de sa famille, son grand-père ayant été tué par un sniper durant la Seconde Guerre mondiale. L'opinion publique et la presse vont aussi être divisées par la position du film.
Que veut dire Clint Eastwood ? Cherche-t-il à glorifier un homme doué dans l'art de tuer ? Ou, est-ce que son propos est plus nuancé que ça ? Il peut y avoir de la difficulté à se positionner sur un sujet. Ce qui est sûr, c'est qu'il est le reflet des désaccords entre les principaux courants politiques aux États-Unis. American Sniper serait-il un film de droite, pro-guerre et quasiment produit par l'armée ? À plusieurs reprises, Clint Eastwood tempère son personnage et apporte de la nuance sur son rapport à la mort. S'il est indubitablement doué, le Chris Kyle qu'il dépeint n'est pas totalement une machine de guerre qui se prend pour une rockstar.
Un film en faveur de la guerre ?
American Sniper nous sert des bonnes scènes d'action, mais ne dit pas ouvertement que la guerre est quelque chose de cool. Certains détracteurs à l'argumentaire peu étoffé n'ont eu de cesse de crier haut et fort que Clint Eastwood encourageait à s'engager. Il passe forcément par une certaine héroïsation parce que le sniper sauve des vies, mais toute l'ambiguïté est qu'il en enlève aussi, avec une arme dans laquelle on ne peut s'empêcher de voir une résonance phallique.
Le film a aussi l'étrange goût de dessiner un pendant à Chris Kyle, avec Mustafa. Un sniper adverse qui n'a jamais existé et qui a été inventé pour le scénario. Était-ce nécessaire ? Pas réellement, si ce n'est pour diaboliser le camp adverse et, par extension, élever sa figure principale. Mais American Sniper ne peut pas être blâmé d'enjoliver une carrière dans l'armée. Les retours au pays sont toujours douloureux et, au final, Chris se fait tuer par un ancien soldat qui a vrillé. Pas forcément une publicité flatteuse pour l'armée américaine.