S’il ne fallait retenir peut-être qu’une seule comédie française, ce serait peut-être elle : « Les Aventures de Rabbi Jacob ». Sorti en 1973, le film souhaitait relater avec humour les relations parfois difficiles qu’entretiennent juifs et musulmans, par le biais notamment du conflit israélo-palestinien. Une audace bienvenue de la part du réalisateur Gérard Oury, mais qui n’a pas été accueillie de manière triomphale par tout le monde
Les aventures de Rabbi Jacob : le triomphe de Louis de Funès
Avant Les aventures de Rabbi Jacob, Louis de Funès était déjà un acteur reconnu de la scène comique française. En effet, celui qui fut révélé dans les années 50 via La Traversée de Paris, a connu une décennie suivante absolument extraordinaire. Ainsi, il surperformera dans des comédies telles qu’Oscar (qu’il avait précédemment joué au théâtre), Le Gendarme de Saint-Tropez (et ses suites), la trilogie Fantômas, Le Corniaud, La Grande Vadrouille, Hibernatus ou bien encore La Folie des Grandeurs. Son secret ? Sa capacité extraordinaire a interpréter de manière hilarante le français moyen, avec ses qualités, mais surtout ses défauts.
En 1972, Gérard Oury (avec qui il a déjà collaboré 3 fois sur Le Corniaud, La Grande Vadrouille et La Folie des Grandeurs) lui propose de jouer un film traitant avec humour de l’intolérance et du racisme, deux thématiques chères à son cœur. Le film s’intitulera Les Aventures de Rabbi Jacob. Surtout, pour la première fois, il est l’unique rôle principal et la principale tête d’affiche. Pas de Bourvil ou d’Yves Montand pour l’épauler à ses côtés ; le comédien devra porter le film sur ses épaules.
À l’arrivée, pourtant, Les Aventures de Rabbi Jacob est un véritable triomphe. Totalisant 7,3 millions d’entrées, il parvient même à être nominé aux Golden Globes.
Pour rappel, le film de Gerard Oury, scénarisé par sa fille Danièle Thompson, suit Victor Pivert, un homme d’affaires profondément xénophobe qui tente de se rendre au mariage de sa fille. Malheureusement pour lui, il se retrouvera embarqué dans une affaire qui le dépasse, où il devra se déguiser en rabbin pour échapper à ses ravisseurs. Dans ce gloubi-boulga, il sera pris pour Rabbi Jacob, personnalité juive éminemment reconnue dans la communauté.
Une sortie mouvementée
Si le message humaniste de Gérard Oury a éminemment été salué par la critique, Les Aventures de Rabbi Jacob a pourtant été vu d’un mauvais œil au départ. En effet, le film est l’un des premiers à mettre en évidence la communauté juive de France. Surtout, son sous-texte traite clairement des tensions qui peuvent exister entre juifs et arabes, depuis les débuts du conflit israelo-palestinien. Une idée osée, quand on sait qu’en 1972, une prise d’otages de terroristes palestiniens sur des athlètes israéliens avait eu lieu lors des Jeux Olympiques de Munich, menant à l’exécution de ces derniers.
L’idée effraie donc les producteurs, d’autant que le long-métrage est censé sortir au moment où éclate la Guerre du Kippour, énorme conflit qui confrontait à l’époque l’Etat d’Israël face à une coalition menée par la Syrie et l’Egypte. Quand on sait, en outre, que la plupart des figurants représentant des juifs, étaient en fait des musulmans, on se dit que Gerard Oury jouait avec le feu.
Pourtant, le réalisateur tiendra bon. Ainsi, il gardera la date de sortie fixée à octobre 1973. Cette décision entraînera d’ailleurs des réactions violentes, avec comme principal exemple, un détournement d’avion Paris-Nice par Danielle Cravenne. En effet, cette dernière, pro-palestinienne, considérait que le film soutenait Israël. Elle décida donc de tout faire pour empêcher la sortie du film. Elle sera abattue par les autorités durant sa tentative.