S'il est loin d'être le film le plus cité de la carrière de Clint Eastwood, "Les Pleins pouvoirs" demeure un thriller extrêmement solide bénéficiant d'une distribution royale. Un long-métrage auquel le cinéaste a failli renoncer, à cause d'un article jugé de "mauvais goût".
Les Pleins pouvoirs : un tueur pour président
Après avoir signé et porté son western terminal avec Impitoyable et mis en scène un road movie bouleversant avec Un monde parfait puis une histoire d'amour déchirante avec Sur la route de Madison, Clint Eastwood s'oriente du côté du thriller politique avec Les Pleins pouvoirs. Sorti en 1997, le film débute avec une longue introduction glaçante après avoir brièvement présenté son personnage principal, le voleur vieillissant Luther Whitney, interprété par Eastwood lui-même.
S'il n'a plus la forme de ses débuts et qu'il a été marqué par des séjours en prison, Whitney reste un cambrioleur extrêmement méthodique. Mais sa méticulosité n'empêche pas quelques imprévus. Une nuit, pendant qu'il arpente les couloirs de la propriété du richissime Walter Sullivan (E. G. Marshall), il est surpris par la femme de ce dernier, de retour chez elle avec son amant alors qu'elle est censée être en voyage avec son époux.
S'ensuivent des minutes particulièrement brutales, où Christy Sullivan (Melora Hardin) est violentée par son partenaire. Alors qu'elle parvient à se débattre et qu'elle est sur le point de le planter avec un coupe-papier, elle est brutalement abattue par la garde rapprochée de son agresseur. Témoin de toute la scène, Luther reste caché mais manque de se faire repérer. Il se retrouve désormais seul face à un coupable disposant de tous les pouvoirs, Alan Richmond (Gene Hackman), le président des États-Unis.
Ed Harris, Laura Linney, Scott Glenn, Dennis Haysbert et Judy Davis complètent la prestigieuse distribution de cette adaptation du roman éponyme de David Baldacci. Un long-métrage très réussi, bénéficiant d'une réalisation rusée, de formidables touches de sarcasme et d'une interprétation magistrale, auquel Clint Eastwood a pourtant failli renoncer.
La colère noire de Clint Eastwood
En 1993, l'acteur et cinéaste tombe sous le charme de la journaliste Dina Ruiz, alors qu'il fréquente Frances Fisher. Trois ans plus tard, le 31 mars 1996, la star épouse sa nouvelle compagne. À l'époque, la presse américaine écorne l'image du réalisateur, remettant en cause sa prétendue morale et ses précédentes histoires d'amour qui se sont mal terminées. Deux semaines après la cérémonie, le magazine People ironise sur l'union en reprenant une réplique culte tirée de Sudden Impact : le retour de l'inspecteur Harry, titrant ainsi :
Making His Day : Clint Eastwood weds a 30-year-old anchor - and not at gunpoint
Ce qui peut se traduire par :
Se faire plaisir : Clint Eastwood épouse une jeune présentatrice de 30 ans - et pas sous la menace d'une arme
Comme le rappelle Patrick McGilligan dans la biographie Clint Eastwood, une légende, le magazine dresse un portrait peu flatteur du comédien en évoquant son mariage avec Dina Ruiz. People interroge notamment son ex-femme Sondra Locke, qui déclare :
La seule chose que je trouve triste, c'est qu'il y a plein de femmes dans sa vie qui sont les mères de ses enfants, et qu'il préfère épouser une femme qui ne l'est pas.
Lorsqu'il découvre le papier, Clint Eastwood devient fou de rage, notamment parce que People appartient à Time-Warner, la société qui détient Warner Bros., studio avec lequel il collabore depuis de nombreuses années. Selon plusieurs sources, la star menace alors de renoncer à son prochain projet, Les Pleins pouvoirs. Ses avocats demandent des excuses pour cet article "de mauvais goût", qu'ils obtiennent dans le numéro du 13 mai 1996. Mais le comédien ne décolère pas, refusant par la suite de rencontrer le rédacteur en chef de People. Il accepte cependant, et fort heureusement, de mettre en scène le thriller et d'incarner le rôle principal.