En 1984, Isabelle Adjani décroche son deuxième César pour son interprétation fiévreuse dans "L’Été meurtrier". Un drame que la comédienne a d’abord refusé à cause de ses scènes de nu, avant de revenir "au culot" vers le réalisateur Jean Becker.
L’été meurtrier : un drame caniculaire
Révélée par Le Petit Bougnat puis La Gifle, Isabelle Adjani connaît rapidement la consécration avec L’Histoire d’Adèle H. de François Truffaut, sorti en 1975. Près de dix ans plus tard, après avoir collaboré avec Roman Polanski, Jean-Paul Rappeneau, Werner Herzog ou encore Andrzej Zulawski, la comédienne est au sommet lorsqu’elle participe à L’Été meurtrier.
Dans ce drame de Jean Becker, qui réunit plus de cinq millions de spectateurs dans les salles obscures en 1983, l’actrice prête ses traits à Éliane, ou plutôt "Elle". Quand elle débarque en 1976 dans un village provençal avec son père adoptif (Michel Galabru) et sa mère (Maria Machado), les habitants sont troublés. C’est notamment le cas de Florimond (Alain Souchon), pompier surnommé "Pin Pon", qui tente de se rapprocher d’elle malgré sa timidité.
Débute entre eux une romance très vite perturbée par les regards des autres mais surtout par les secrets d’Éliane. L’héroïne ambiguë ne se serait pas rapprochée de "Pin Pon" par hasard, animée par un désir de vengeance… François Cluzet, Suzanne Flon, Roger Carel et Jenny Clève complètent la distribution de cette adaptation du roman éponyme de Sébastien Japrisot, qui signe également le scénario.
Un rôle culte qui a failli échapper à Isabelle Adjani
L’Été meurtrier remporte quatre César en 1984 : Meilleure actrice pour Isabelle Adjani, Meilleure actrice dans un second rôle pour Suzanne Flon, Meilleure scénario adapté et Meilleur montage. Après sa statuette pour sa performance habitée dans Possession, l’interprète d’Éliane décroche son deuxième trophée pour cette composition complexe, alternant entre innocence, ruse et perte totale de contrôle.
Un personnage particulièrement fort, qu’Isabelle Adjani hésite pendant longtemps à incarner. Lorsqu’ils travaillent sur le script du long-métrage, Jean Becker et Sébastien Japrisot pensent immédiatement à la comédienne. Mais cette dernière se montre réticente, effrayée par les scènes de nudité du film. Le réalisateur d’Un crime au paradis et de Deux jours à tuer songe ensuite à Lio, mais aussi Jeanne Mas. Pendant un temps, le rôle revient à Valérie Kaprisky, qui se prépare pour le tournage.
En mai 1982, elle apprend néanmoins qu’Isabelle Adjani a fait machine arrière auprès de Jean Becker. Exclue du projet à la dernière minute, Valérie Kaprisky encaisse douloureusement la situation. Dans ses mémoires intitulées Casino d’hiver, l’agent Dominique Besnehard écrit, cité par Télé Star :
Un vrai coup dur pour Valérie. J'en ai longtemps voulu à Isabelle, je lui ai même fait la gueule.
"Je ne sais pas, je vais voir"
Interrogée par Nicolas Bedos pour Paris Match en 2020, Isabelle Adjani revient sur ses appréhensions à propos de L’Été meurtrier, expliquant :
Chaque projet fut une bataille. J'ai failli passer à côté de L'Été Meurtrier, je craignais que mes parents ne supportent pas les scènes de nudité. J'ai d'abord dit non. Ils ont engagé une autre comédienne, et c'est Bruno Nuytten, mon compagnon à l'époque, qui a fini par me convaincre d'y retourner, au culot. Le metteur en scène, Jean Becker, m'a alors répondu : 'Je ne sais pas, je vais voir...'
Le réalisateur finit par accepter, et la suite fait désormais partie du patrimoine cinématographique français.