Pendant près de 30 ans, Martin Scorsese a planché avec son coscénariste Jay Cocks sur le drame "Silence". Un long-métrage qui a nécessité "beaucoup de sacrifices" et connu "beaucoup de problèmes et beaucoup de retards".
Silence : croire ou renoncer
Avec Silence, Martin Scorsese effectue un changement d'ambiance radical. Le drame sort en 2017, moins de quatre ans après Le Loup de Wall Street. La vulgarité, l'insatiable libido, l'attrait pour les billets verts et l'amour de la drogue du survolté Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) laissent place au calme, au dévouement et à la foi inébranlable de Sebastião Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garupe (Adam Driver).
En 1633, ces deux prêtres jésuites portugais se rendent au Japon pour tenter de retrouver le père Ferreira (Liam Neeson). Ils veulent avant tout découvrir si leur mentor a réellement fait acte d'apostasie sous la torture. Peu de temps après leur arrivée, ils sont témoins des horreurs perpétrées sur les chrétiens. Emprisonnés par les inquisiteurs, Rodrigues et Guarupes sont poussés à abjurer leur foi catholique. En réponse aux sévices qu'ils subissent, ils ne reçoivent que le silence de Dieu.
Tadanobu Asano et Ciarán Hinds complètent la distribution de ce long-métrage extrêmement important pour Martin Scorsese. Silence conclut sa trilogie sur la foi religieuse après La Dernière tentation du Christ et Kundun. Le film aurait d'ailleurs pu voir le jour avant celui consacré à l'enfance de Tenzin Gyatso, le quartorzième dalaï lama.
Un projet de longue date...
Silence est la deuxième adaptation du roman éponyme de Shūsaku Endō, publié en 1966 et transposé à l'écran cinq ans après sa parution par Masahiro Shinoda. Martin Scorsese découvre le livre en 1988, après avoir terminé La Dernière tentation du Christ. Lors de l'une des premières projections organisée à New York, le cinéaste fait la connaissance de l'archevêque épiscopalien Paul Moore, qui lui offre l'ouvrage.
En lisant Silence, Martin Scorsese comprend "immédiatement qu'il veut en faire quelque chose", selon des propos rapportés par USA Today. Néanmoins, quand il décide de se pencher sur l'écriture du script avec Jay Cocks en 1990, il bloque et ne parvient pas à structurer l'histoire. S'ensuit une collaboration fastidieuse sur le scénario qui dure plus de vingt ans.
Après l'échec et la controverse de La Dernière tentation du Christ, le cinéaste doit par ailleurs affronter les remarques frileuses sur ce nouveau projet, dont le sujet est jugé austère et qui a de grandes chances de se planter au box-office. Mais en 2013, Martin Scorsese connaît son plus gros succès commercial avec Le Loup de Wall Street, qui totalise plus de 406,8 millions de dollars de recettes mondiales. La production de Silence peut enfin commencer.
... sorti au moment adéquat
Le fait d'attendre permet aussi à Martin Scorsese de gagner en maturité, et de voir son propre rapport à la religion évoluer, comme l'explique Jay Cocks :
Il y avait une certaine maturité que nous n'avions pas à l'époque et que nous avons pu intégrer aujourd'hui. (...) Un besoin de croire que nous n'avions peut-être pas il y a 25 ans. Le film est plus profond grâce à ça.
À propos de la sagesse qui se dégage du film, le cinéaste assure de son côté à Télé-Loisirs :
Ce minimalisme, ce dépouillement, se prête à cette histoire. Et c’est là où j‘en suis aujourd’hui dans ma vie. Je me sens très proche de cette histoire, je n’ai rien à cacher. Ce film, c’est qui je suis aujourd’hui. Je ne suis pas quelqu’un à la mode. J’aimerais parfois, quoique ! Voilà, j’ai 74 ans. Quand je regarde cette époque décrite dans le film, ça me touche, ce sont des valeurs que je porte.
Malgré les difficultés, Martin Scorsese est donc fier que Silence ait pu sortir à ce stade de carrière, confiant à USA Today :
C'est incroyable qu'on ait pu faire ce film malgré toutes les choses contre lui. Il y a eu beaucoup de sacrifices, beaucoup de problèmes, beaucoup de retards. Mais je sentais que je devais y consacrer du temps.