« Bohemian Rhapsody » n’a pas été le film le plus simple à finaliser comme en témoignent les nombreux rebondissements ayant freiné sa production depuis 2010. La revanche est obtenue haut la main puisque après avoir croulé sous les prix les plus prestigieux, le biopic achève sa tournée par une sortie physique des plus royales.
Le parcours de Bohemian Rhapsody a été chaotique avant d’aboutir au renvoi de Bryan Singer (X-Men : Days of Future Past) en décembre 2017. Choisi pour prendre sa suite, Dexter Fletcher n’est pas complètement étranger aux œuvres biographiques. Son Eddie the Eagle a même plutôt plu au public lors de sa sortie en 2016 à défaut d’avoir grandement marqué les esprits. Le tir est rectifié puisque l’hommage à Queen rassemble 869,7 millions de dollars soit un bénéfice s’élevant à plus de 815 millions. Quant à ses récompenses, elles regroupent quatre Oscars, ainsi que deux BAFTA Awards et Golden Globes. Un succès presque inattendu !
Bohemian Rhapsody : présentation et critique
Retour dans les années 1970 où un immigré parsi inconnu de tous s’apprête à se forger un destin extraordinaire. Rien ne laisse présager ce qui l’attend. L’extravagant Farrokh Bulsara (Rami Malek) est employé à l’aéroport de Londres-Heathrow tandis que ses origines et sa dentition proéminente font l’objet de remarques inappropriées. La chance lui sourit lorsqu’il assiste au concert d’un groupe de rock implosant peu après leur représentation. Il se propose en tant que nouveau chanteur puis adopte le nom de scène Freddie Mercury. Le batteur Roger Taylor (Ben Hardy), le guitariste Brian May (Gwilym Lee), le bassiste John Deacon (Joseph Mazzello) et lui signent leurs premiers titres en tant que Queen dont Bohemian Rhapsody rejeté par la maison de disque EMI Group. L’ascension est foudroyante avant d’être mise sur la sellette dû aux déboires répétés de l’interprète s’exilant dans l’alcool et la solitude.
Ce spectacle dépassant les deux heures de divertissement est une mine d’informations pour les néophytes mais une redite pour les fans qui n’y apprendront rien de nouveau. Cela n’entache pas le plaisir pour peu que l’on soit prêt à fermer les yeux sur l’inauthenticité de quelques détails. Comme de nombreux biopics, la narration ne balaye pas l’intégralité de la biographie de son sujet mais opte pour se focaliser sur ses chapitres les plus mémorables. Dès lors, l’enfance de Bulsara est mystérieuse et ses origines ne sont abordées qu’au cours de conversations assez houleuses. Le déroulement est rythmé, empêchant à toute sensation d’ennui de s’installer alors que l’audience assiste à son ascension puis à sa chute mise en parallèle avec ses soucis de santé. La dimension artistique aurait cependant pu être davantage développée en s’arrêtant plus longuement sur le processus de création des différents titres dont seuls les plus connus sont abordés. Où puisent-ils tous leur inspiration ? Dans quelle mesure l’existence respective de chaque membre a-t-elle contribué aux paroles et thèmes abordés ? Le spectateur n’en sait que trop peu sur les trois musiciens qui sont relégués au second plan pour s’en faire une idée mais il les appréciera pour leur loyauté et le cocon familial qu’ils représentent.
Tout ne repose pas sur le scénario pour être apte à juger de la qualité d’une œuvre cinématographique puisque le charisme et la profondeur des personnages sont également primordiaux. Et, heureusement pour Bohemian Rhapsody, son héros rock’n’roll à l’allure flamboyante n’est pas sans reste. S’avançant sur un chemin en dents de scie, l’idole de nombreuses générations connaît autant de hauts que de bas en s’aventurant dans des extrêmes opposant succès planétaire et solitude débauchée. Autant dire qu’il fournit à lui-seul suffisamment de matière dramatique à l’écriture de rebondissements accrochant l’intérêt de tous. Malek mérite son Oscar pour se l’être si bien approprié en tous points ! Certains déploreront le récit typiquement hollywoodien standardisé de ce second point, en se maintenant dans un politiquement correct lointain à la soirée organisée à la sortie de l'album Jazz (1978) avec ses lancers de nains, combats dans la boue et son champagne coulant à flot. May et Taylor étant producteurs, probablement ont-ils tenu à dresser un portrait plus flatteur de l’artiste en ciblant par la même occasion un public plus large. D’ailleurs, s’il mue vers le statut d’antagoniste durant la seconde moitié du film, le reste du groupe semble dépourvu de défaut. Belle omission que celle de laisser penser que le leader fut le premier et unique membre à se lancer en solo alors que le duo précédemment cité s’y est essayé auparavant. Pour information, le batteur a sorti son single I Wanna Testify en 1977 et l’album du guitariste Star Fleet Project a agrémenté les bacs en 1983, soit deux ans avant Mr. Bad Guy. La semi-dissolution de Queen aurait été moins percutante avec cette précision. Est-ce aussi une tentative de réécrire l’histoire à leur avantage ?
Il ne s’agit pas de l’unique « vérité » discutable. Parmi ces erreurs : Freddie Mercury a appris sa séropositivité uniquement après le concert Live Aid. Cette liberté est compréhensible n’étant pas face à un documentaire à proprement parler. Singer joue sur la corde sensible et ajoute une couche d’épique supplémentaire à une prestation toujours gravée dans les mémoires trois décennies plus tard. L’émotion est présente, prend aux tripes, tandis qu’il chante avec son âme tout en se sachant sérieusement menacé. Est-ce l’une des dernières représentations qu’il sera en mesure de donner avec tant d’énergie ? Une conclusion douce-amère à l’image du parcours présenté de l’artiste et qui s’achève sur les habituelles images d’archives aux commentaires couvrant le futur du quatuor.
Les éditions commercialisées
Que 20th Century Fox se soit investi pour son dernier grand succès en date n’est guère surprenant. La présence de l’éternel DVD n’étonnera personne, mais la distribution d’un Blu-ray et en particulier d’une galette 4K en ravira plus d’un puisque tous n’ont pas cet avantage peu importe le studio observé. Les plus inquiets peuvent donc arrêter de trembler. L’effort ne s’interrompt pas puisque deux steelbooks sont dorénavant vendus sur le marché de la vidéo. Le visuel ne les différencie pas mais la présence du disque dernière génération dont l’inclusion est une exclusivité FNAC. Au goût de tous ou non, l’acheteur est libre de regretter l’absence de reliefs du boîtier métallique qui aurait été du plus bel effet compte tenu de l’illustration choisie. À chacun ses attentes.
Test Vidéo/Audio
La résolution du master final est inconnue en dépit d’un tournage en 3,4K et 6,5K selon les données fournies par IMDb. Il n’est pas malvenu de questionner le choix derrière l’inutilisation de l’argentique au profit du numérique étant donné la période durant laquelle se déroule l’œuvre. Celle-ci serait-elle parue plus authentique, plus « dans son jus » ? Ce débat technique est rapidement éclipsé par la référence visuelle proposée sur le Blu-ray flattant la vision artistique de Newton Thomas Sigel (Drive). Le directeur de la photographie s’est par ailleurs entretenu avec Red Shark quant à ses choix esthétiques en mentionnant l’évolution des techniques mobilisées au fil des deux heures. D’une texture granuleuse aux tons chaleureux évoquant les débuts prometteurs du groupe, l’image transitionne vers une apparence plus polie, « détaillée et froide, voire désaturée », dressant un parallèle à la perte de vitesse et de repères de Mercury.
Ainsi, cette présentation est fidèle à sa vision partagée avec Singer. Les contrastes sont efficaces, la profondeur au point, les noirs profonds tout en évitant de se boucher et des défauts de compression sont introuvables comme à l’habitude de l’éditeur. L’expérience est enrichie par une vidéo ciselée particulièrement révélatrice des costumes singuliers portés par la star et aucun décor ne perd en netteté, de l’ambiance intimiste du studio aux épatantes salles de concert gorgées par la foule en furie.
La version originale en DTS-HD 7.1 est bien supérieure au doublage français restreint à un DTS 5.1 décevant pour un disque haute-définition. Ainsi, la VO est des plus percutantes lorsque des morceaux musicaux très demandeurs : guitare, basse, batterie, piano… Autant de sonorités complexes à restituer avec fidélité et pourtant c’est une réussite qui régale les oreilles avec une activité surround délicieuse. Un concert dans son salon ? Oui, ça y ressemble tant la piste audio se prouve vivante et organique. Loin des projecteurs, les discussions sont compréhensibles et accompagnées d’effets d’ambiance distincts facilitant l’immersion.
Test Bonus
La galette bleue gâte son acquéreur avec près d’une heure et demie de compléments. Aucun documentaire sur Queen n’est fourni, ni même de commentaire audio ou de scènes coupées, mais l’interactivité n’en est pas moins convaincante.
- Le concert Live Aid dans son intégralité (21:55 min) : le spectacle iconique est présenté dans sa version complète. Chapitré, il est donc facile d’accéder à la chanson désirée parmi les suivantes : Bohemian Rhapsody, Radio Ga Ga, Hammer to Fall, Crazy Little Thing Called Love, We Will Rock You et We Are the Champions.
- Rami Malek : dans la peau de Freddie (16:13 min) : ce complètement s’intéresse tout autant à l’artiste et sa biographie qu’à l’interprète. Ce dernier et l’équipe abordent sa participation à Bohemian Rhapsody à partir de son invitation à faire partie du casting jusqu’aux ressources mobilisées pour capturer l’essence de la légende musicale par sa gestuelle, son humour, etc. Pour anecdote, Malek n’a pas été dispensé de cours de chant afin d’éviter l’impression de playback malgré le fait que sa voix soit couverte par celle de Mercury.
- Le look et le son de Queen (21:44 min) : Roger Taylor et Brian May confessent leur réticence lorsque le projet du biopic leur a été confié ainsi que leur satisfaction face à l’interprétation des acteurs. Après s’être concentré sur la distribution dans un flot de compliments et l’apprentissage de leurs instruments respectifs, le sujet s’oriente vers l’évolution de l’apparence physique des protagonistes, et les décors (chez Mercury, le studio d’enregistrement avec le matériel comme la table de mixage) au plus près du réel.
- La reconstitution du concert Live Aid (19:55 min) : focus sur l’événement de bienfaisance avec ses ambitions, ce qu’il représente pour le groupe, le choix de la setlist… Ce supplément vaut le détour notamment grâce aux interventions des membres de Queen se remémorant cette date mythique. Ainsi, ils apportent une authenticité allant au-delà de la simple featurette purement promotionnelle. Le second pan de ce bonus est bien entendu les commentaires autour de sa reproduction pour le grand-écran qui n’est autre que la première partie ayant été tournée. Au risque de briser la magie : non, la foule n’est pas réelle. Vive les écrans verts. Heureusement, la création de l’environnement 3D n’est pas oubliée.
- Bandes-annonces cinéma : teaser (1:31 min), bande-annonce cinéma (2:25 min) et bande-annonce finale (2:08 min).