« Oyez maintenant les paroles des sorcières. » Deux décennies sont passées depuis que les sœurs Halliwell de « Charmed » ont acquis leurs pouvoirs un soir de pleine lune. Aujourd’hui, elles sont de retour plus magiques que jamais grâce à une version haute-définition de la première saison disponible dès maintenant en Blu-ray.
Les demoiselles en détresses se font de plus en plus rares sur le petit écran durant les années 1990 avec des héroïnes telles que l’agent du FBI Dana Scully (The X-Files), Xena la guerrière et l’Élue Buffy Summers sous le feu des projecteurs. Constance M. Burge (Royal Pains), désireuse de surfer sur cette vague de féminisme grandissante, s’allie à la société de production d’Aaron Spelling (7 à la maison) afin de proposer à la chaîne The WB une série dramatique alliant sorcellerie, humour et séduction. Pari réussi puisque Charmed trouve son public et compte 178 épisodes lorsqu’elle tire sa révérence en 2006.
Charmed, saison 1 : présentation et critique
Qui aurait pu soupçonner que de tels événements puissent se produire dans une ville telle que San Francisco ? Entre rancœur et retrouvailles, la fraîchement débarquée Phoebe Halliwell (Alyssa Milano) fait une découverte sans précédent alors qu’elle met les pieds dans le grenier du manoir familial. Tandis qu’elle lit à voix haute la première page d’un grimoire poussiéreux à la couverture décorée d’une triquetra, elle est loin d’imaginer que son acte va bouleverser son existence ainsi que celle de ses sœurs. En effet, les descendantes de Melinda Warren ne sont autres que des sorcières destinées à protéger les innocents des démons et warlocks semant la destruction sur leur passage. L’aînée surprotectrice Prue (Shannen Doherty), la calme mais sarcastique Piper (Holly Marie Combs) ainsi que l’excentrique benjamine doivent alors apprendre à jongler entre paranormal, vie sociale et professionnelle tout en maintenant leur identité secrète aux yeux de tous.
Cette fournée constituée de 22 épisodes d’environ 42 minutes chacun pose les bases de la mythologie sur laquelle se fonde le show jusqu’à ce que des incohérences et facilités scénaristiques se glissent dans les scripts à venir. Loin de la féerie et des costumes souvent grotesques devenus la marque de fabrique de Charmed dès la cinquième saison, celle-ci se prête des allures de thriller (allégé) dans sa construction et par l’intervention de la police locale très fréquente puisque facilitée par la liaison entre Prue et l’inspecteur Trudeau (T. W. King). Kidnappings, arrestations, suspicions, investigations… Autant de rebondissements qui viennent ponctuer les péripéties des sorcières aux personnalités complémentaires clairement définies.
Saupoudrée d’une dose conséquente de wicca accompagnée de son obscurité percée par des bougies de rituels, la photographie est stylistiquement et visuellement plus sombre que par la suite. Ce n’est pas un mal, bien au contraire, puisqu’elle est un atout indispensable à cette première saison qui doit séduire les spectateurs par son ambiance en accord avec son sujet : l’occultisme. Avec cette atmosphère particulière renforcée par un décor principal semblant dissimuler une menace à chaque coin de pièce, l’équipe aurait pu jouer la carte assumée de l’angoisse pour se rapprocher d’un X-Files. À l’inverse, c’est une démarche plus familiale qui a été choisie en misant sur l’humour, l’affection des protagonistes entre elles et leurs déboires amoureux.
C’est d’ailleurs ce qui fait la force de Charmed durant les deux premières années de diffusion : la force et l’apparente authenticité du lien partagé par les trois sœurs, facilité par l’amitié de longue date entre Doherty et Combs. Crédibles dans leur rôle respectif et en parfaite alchimie les unes avec les autres, c’est un plaisir que de les voir se chamailler, se taquiner et s’envoyer des pics sans concession. Ce qui manque rarement de créer l’hilarité. Les actrices parviennent aussi à maîtriser les instants plus tendres comme lorsque Piper confie ses doutes à Phoebe concernant son statut de sorcière dans Jeunesse éternelle (1x02) ou que Prue explique sa difficulté à prononcer « Je t’aime ».
Malgré ses points forts, cette première saison ne passe pas à côté de ratés à commencer par le très médiocre Au nom du père (1x03) qui est à effacer des mémoires pour ses antagonistes catastrophiques et sa caractérisation foireuse de Victor Bennett exceptionnellement incarné par Anthony Denison (Prison Break). D’autre part, son format très épisodique peut rebuter tant est que la redondance s’installe vite (que cela plaise ou non est un autre débat). Il n’existe pas de fil rouge se développant au fil des intrigues en-dehors des deux romances principales puisque Rex Buckland (Neil Roberts) et Hannah Webster (Leigh-Allyn Baker), qui auraient pu servir de « Big Bad », ont rapidement été exterminés.
Les éditions commercialisées
Charmed a connu des débuts difficiles sur le marché de la vidéo en raison de droits musicaux compliqués à négocier. Il a effectivement fallu attendre 2005 avant que la série télévisée fasse son apparition dans les bacs en DVD, alors que les fans commençaient à désespérer que ce jour arrive. Treize ans plus tard, Paramount Pictures célèbre l’anniversaire des aventures des Halliwell en les éditant en Blu-ray. Le coffret en plastique standard est habillé d’un élégant fourreau cartonné et d’une illustration intérieure, soin dont les galettes ne peuvent se vanter puisque leur artwork est troqué contre une face supérieure bleu clair unie.
Test Vidéo/Audio
Tournée sur pellicules 35mm, Charmed a été achevée en qualité standard à l’époque de production. C’est à la fin du mois de juin 2018 que le propriétaire et distributeur CBS Studios International a annoncé s’être lancé dans une mission titanesque : restaurer l’intégralité de la série. Après un scan du matériel originel, il a donc fallu remonter les scènes et les différents génériques mais aussi recréer les effets spéciaux qui y sont indénombrables. Deux techniques ont été utilisées : les refaire de A à Z ou, semblerait-il dans certains cas, retrouver les fichiers originaux agrandis avant d’être mobilisés. Ce point est à saluer puisque le studio Fox ne s’est pas toujours donné cette peine pour The X-Files et la catastrophique version HD de Buffy contre les vampires.
Le choix le plus controversé est celui d’avoir changé le format d’image. Autrefois présenté en 4/3, le show est désormais en 16/9 pour répondre aux normes actuelles. Le point positif est que Charmed s’y prête étonnamment bien avec des côtés ne paraissant pas vides à cause d’une action focalisée au milieu de la composition. Il faut dire que les zooms ne manquent pas pour donner ce sentiment, supprimant de la hauteur au détriment d’une largeur additionnelle parfois peu conséquente. Rassurez-vous, le résultat est principalement très bon et le gain est majoritairement des quatre côtés ! En outre, montrer ce qui était prévu pour rester dissimulé à l’œil du public signifie que plusieurs bourdes peuvent se glisser. Ici, ce sont des membres de l’équipe technique, des équipements ou des regards dirigés droit vers la caméra qui s’imposent brièvement.
Sans tenir compte de ces quelques réserves, l’ensemble est époustouflant. Une véritable redécouverte ! Drapée d’un grain qui a évité les sévices de la réduction numérique du bruit vidéo, l’image a tout pour plaire à ceux appréciant une expérience cinématographique au meilleur de sa forme. Là où le public a fixé une teinte rosâtre, à la luminosité abusive et à l‘aspect barbouillé durant vingt ans, ce sont aujourd’hui des couleurs naturelles tirant doucement sur le vert, des contrastes réalistes, une profondeur extrêmement confortable et une finesse étourdissante qui les enchanteront. Les gros plans sont extrêmement révélateurs en détaillant la texture de la peau comme en témoignent cette comparaison sur le visage de Prue et celle-ci capturée suite à la transformation de Hécate dans Mariage diabolique (1x06). Dépourvu de renforcement de contours, le transfert est d’une solidité presque absolue.
Ce spectacle est uniquement terni par des plans de San Francisco et de différentes bâtisses en basse qualité. Défaut inévitable puisqu’ils n’ont pas été capturés lors du tournage de la série mais au cours de différentes années, à différentes occasions. La contrepartie à l’utilisation de stock footage !
Il est triste de constater que l’effort de remasterisation ne s’est pas étendu à la partie sonore. Si ce n’est guère surprenant pour le doublage français qui recycle son bon vieux Dolby Digital 2.0, c’est aussi le cas pour la version originale qui ne se voit pas offrir une piste retravaillée avec un débit supérieur. Ne parlons même pas d’un format 5.1 qui paraît alors plus qu’improbable ! Cette décision prend de court au vu de l’investissement fournit pour les images.
Ainsi, l’audio techniquement limité déçoit tellement il est vieillot et aurait besoin lui aussi d’une cure de jouvence dans l’optique de revitaliser le tout. Car oui, How Soon Is Now manque cruellement de punch alors que le titre culte a tout pour devenir une référence sonore grâce à ses multiples effets spatialisés et ses basses. Il en est ainsi pour les sons particulièrement demandeurs à l’instar de l’orage qui gronde dans Le Livre des Ombres (1x01). Le rendu global n’est pas pour autant désagréable puisque la spatialisation permet de ne pas tout concentrer au centre de la scène et que les dialogues sont clairs. Peut-être qu’une future réédition corrigera le tir et donnera à Charmed le piquant qu’elle mérite ?
Test Bonus
Malheureusement, aucun supplément ne vient agrémenter les disques en dépit de rumeurs autour de l’inclusion du pilot inédit où le personnage de Phoebe était interprété par Lori Rom (La vie à cinq). À noter qu’une typo s’est glissée dans le menu de navigation français où l’on peut lire « Lecture enchaénée ».