Après la série « Narcos » produite par Netflix et saluée par la critique, c’est au tour de Javier Bardem ("Mother!") de s’approprier le rôle de Pablo Escobar. Retrouvez l’ennemi n°1 en Blu-ray et DVD dans les bacs dès le 22 août !
Réalisé et écrit par Fernando León de Aranoa (A perfect day, un jour comme un autre) à partir des mémoires de la journaliste colombienne Virginia Vallejo, Escobar traite des dix dernières années de la vie d’un des barons de la drogue les plus connus au monde. Pour cause, nombre de films et de séries télévisées lui sont dédiés. Parmi eux : Paradise Lost (2014) avec Benicio del Toro (Sicario) et Narcos (2015-2017). À quoi bon un énième métrage vous demandez-vous ? Car un vent de fraîcheur sur cette biographie déjà rabâchée a été promis par le cinéaste via un angle nouveau : le regard de son ancienne maîtresse.
Escobar : une dualité intérieure
La naissance de cet être sans pitié et constamment à la recherche de notoriété n’est pas abordée dans cette œuvre. D’où ces traits de caractère trouvent-ils leur source ? Impossible d’y répondre puisque la rencontre entre le chef du cartel de Medellin (Javier Bardem) et de Vallejo (Penélope Cruz) prend place en 1983. Déjà haut placé dans la hiérarchie avec sa fortune qui s’élèvera à plus de 30 milliards de dollars, le protagoniste mène une vie luxuriante où il enchaîne les festivités aux côtés des nombreuses célébrités conviées. Au-delà du glamour et des paillettes, tous sont loin d’imaginer qu’ils financent ainsi les activités illégales de leur hôte alors qu’ils s’interrogent sur la provenance de sa richesse. Empli de fierté, il ne cesse de repousser les limites de son trafic au point d’être ultérieurement baptisé « empereur de la cocaïne ».
La romance entre les deux individus se trouve aussi à mille lieux des contes à l’eau de rose débordant de bons sentiments. Si la femme rend hommage à l’expression « l’amour rend aveugle » en succombant au charisme de Pablo Escobar, ce dernier voit également en elle un pion qu’il peut utiliser à son avantage. Marié et père de deux enfants, il trouve chez Virginia l’outil parfait pour se perfectionner en tant qu’orateur, assurant des interventions publiques de plus en plus maîtrisées et sophistiquées. Inutile de nier qu’elle a contribué à donner de la consistance à celui que certains qualifieront sans difficulté de « monstre ». Cette complicité ne semble pas la déranger outre mesure, jusqu’à ce qu’elle soit elle-même dans la ligne de mire des ennemis de son amant. Dès lors, Escobar prend de légères allures de thriller psychologique sans pour autant tomber dans la paranoïa aiguë.
Ce qui l’empêche d’accomplir pleinement son potentiel provient de la direction hésitante qui ne parvient pas à se contenter de son pitch de départ : le point de vue de l’animatrice. Alors que la voix-off de celle-ci narre Escobar, le public assiste à des scènes totalement dissociées de leur relation. Il est la cible de toutes les fascinations. Le personnage féminin reste en retrait, si ce n’est pour illustrer la peur qui la tenaille et les quelques répercussions de son histoire avec Pablo lorsque son renvoi de la chaîne télévisée met à mal son ambition. Il lui manque de l’épaisseur, ce petit élément en plus qui lui permettrait de briller face à l’imposance de son conjoint qui ne cesse de lui constamment de l’ombre.
Aussi, le scénario s’étend sur pas moins d’une dizaine d’années en seulement 123 minutes. Une fois les scènes uniquement consacrées au personnage de Bardem supprimées, il ne reste plus tellement de temps pour se focaliser sur l’idylle. La malsanité du couple illégitime est notamment démontrée par un instant d’intimidation mêlé à des supplications tandis que l’homme est emprisonné. Cependant, la rapidité nécessaire à une telle couverture temporelle empêche d’apporter des nuances en se suffisant d’une construction assez brute : la romance, suivie de la peur qui prend le dessus sur les sentiments.
Escobar est un bon divertissement pour quiconque s’intéresse au criminel bien qu’il ne s’érigera pas en tant que référence cinématographique en sa qualité de biopic. Il saisit la complexité de ces deux entités contraires habitant le même corps : alors que l’un commet des crimes sans rechigner, l’autre ne cesse de vivre dans la peur de voir ses proches persécutés. Rythmé, le long-métrage offre une photographie agréable et des prestations convaincantes de la part des acteurs principaux (dont l’accent parfois à couper au couteau dans la version originale fera grincer les dents des plus attentifs).
Les éditions commercialisées
En charge de la distribution sur les supports physiques : M6 Vidéo. Si le studio édite le film sur l’éternel DVD, il a cependant fait un choix original concernant le Blu-ray. En effet, ce dernier est exclusivement disponible dans un steelbook au nombre d’exemplaires limités. Adieu le boîtier en plastique bleu jusqu’à une hypothétique réédition une fois les premiers stocks écoulés. Ce cas de figure n’est pas inédit puisque, parmi tant d’autres, Universal Pictures France avait opté pour ce même scénario en 2016 lors de la sortie de Crimson Peak dirigé par Guillermo del Toro. La FNAC ne propose pas d’édition spéciale. Inutile donc de fouiller les rayonnages.
Test Vidéo/Audio
Filmé en digital à une résolution non divulguée par IMDb, le Blu-ray d’Escobar est une réussite technique dépourvue d’anomalies. L’image est servie par des teintes saturées où les couleurs vives sont aussi percutantes que monnaie courante par le biais des voitures, casquettes, parasols, etc. Cette diversité dans la palette utilisée par le directeur de photographie (Alex Catalán) peut aisément se résumer à un personnage : Virginia. Tape à l’œil, sa garde-robe n’en finit plus d’étonner. Jupe jaune à pois noirs, tailleurs cyan et rouge, t-shirt violet… (Excusons ce manque de maîtrise flagrant.) Tout semble lui aller et cette explosion de couleurs est un régal pour les yeux.
Loin d’être filtrée à outrance, l’œuvre présente des tons naturels et réalistes. Les scènes de nuit ne présentent pas de noirs bouchés, et les contrastes soignés aboutissent à une sensation de profondeur saisissante. L’image est ciselée, dépourvue de grain, introduisant une finesse numérique perceptible dans la quantité de détails qui en résulte. En outre, les gros plans sont considérablement révélateurs du maquillage des acteurs, de la couleur de leurs yeux, mais aussi de la texture de la peau comme les possibles rides.
Côté sonore, le constat demeure positif. À l’instar du doublage français, la langue originale est au format DTS-HD 2.0 et DTS-HD 5.1. En 5.1, cette dernière fait son job puisqu’elle bénéficie d’une ouverture assez large pour être en mesure d’isoler chaque son. Les scènes exploitant au mieux ce potentiel sont par exemples celles prenant place lors de fusillades. Les balles, au retentissement plus vrai que nature, surgissent de canaux différents afin d’occuper toute la pièce si besoin. Assez angoissant à bien y réfléchir, mais le spectateur n’en attend pas moins. Escobar se focalise malgré tout principalement sur les dialogues. Compréhensibles et sans distorsion, leur restitution ne laisse pas à désirer.
Test Bonus
Puisque le Blu-ray français sort en parallèle de la galette bleue canadienne, il est pour le moment impossible de comparer l’offre en matière d’interactivité. Ni les États-Unis ni la Grande-Bretagne n’ont encore annoncé de dates. Ce qui est certain, c’est que les suppléments se comptent sur le doigt de la main et sont malheureusement bien trop courts quoi qu’intéressants. Le réalisateur, qui a pourtant fait ses preuves par le passé, n’intervient à aucun instant pour faire part de son approche cinématographique et témoigner de son intérêt pour sa création. Un documentaire sur Pablo Escobar est absent au même titre que des scènes coupées et un making-of.
- Interview – Penélope Cruz (8:58 min) : l’actrice fait part de son point de vue quant à ce que le film apporte parmi les multiples œuvres d’ores et déjà parues sur le grand écran. Elle aborde aussi sa préparation pour se glisser dans la peau de son personnage, dont l’emploi de cet accent qui lui est étranger. Bien qu’une rencontre entre elle et Virginia Vallejo n’ait jamais abouti, elle estime avoir passé une somme d’heures incroyable à visualiser des interviews et des émissions de celle-ci. Ensuite, Cruz revient sur sa relation particulière avec l’acteur principal (qui est son mari depuis 2010) et sur l’influence de Vallejo sur Escobar.
- Interview – Javier Bardem (15:00 min) : l’interprète confie que son désir de prêter ses traits au trafiquant colombien ne date pas d’hier. Si de nombreuses propositions lui sont parvenues depuis 1998, il estime qu’Escobar est le seul à l’avoir convaincu. Le reste du bonus est consacré à flatter le travail et la personnalité de Fernando León de Aranoa avec qui il avait déjà collaboré deux fois par le passé, mais surtout à l’analyse de l’homme qu’était Pablo dont la recherche du « toujours plus » l’a entraîné droit vers la destruction.
- Interview – Peter Sarsgaard (6:08 min) : Sarsgaard (Jackie) confesse que ses collègues comptent davantage que son rôle lorsqu’il s’engage dans un nouveau projet. Perspective intrigante, mais qu’il parvient à défendre sans mal. En l’occurrence, c’est un mail de Javier Bardem (contenant moult points d’exclamation) qui lui était destiné qui a attiré son attention. La relation entre ce dernier et le réalisateur l’a convaincu qu’il faisait le bon choix en rejoignant la distribution.