Inspiré d’une histoire vraie, « Girl » plonge le spectateur dans le milieu très fermé de la danse classique. Si cela vous paraît bancal ou rébarbatif : détrompez-vous. Le film belge n’est pas exempt d’originalité et sait émouvoir en adoptant le point de vue d’une protagoniste transgenre prête à tout pour accomplir son rêve loin de se résumer à la qualité de ses pointes. Rejoignez la danse dès maintenant en Blu-ray.
Girl n’est pas uniquement né de la direction et de la plume de Lukas Dhont, aidé au scénario par Angelo Tijssens. Afin de présenter son premier long-métrage, le réalisateur a été épaulé par sa muse Nora Monsecour lors de la phase d’écriture basée sur sa biographie. Pourtant applaudi au festival de Cannes et à travers le globe, il ne passe pas entre les mailles d’une déception engendrée par le choix d’un interprète cisgenre pour se glisser dans la peau du personnage principal. Ce n’est pas sans rappeler le cas Danish Girl (2015) avec Eddie Redmayne. Son parcours demeure honorable avec plus de 370 000 entrées en France.
Girl : présentation et critique
L’adolescence est une période difficile où chaque individu se forge sa propre identité. Ce n’est pas Lara (Victor Polster) qui va prétendre le contraire puisqu’elle ne se reconnaît pas dans le genre qui lui a été assigné à la naissance. Par conséquent, elle décide de prendre les choses en main. Soutenue par son père Mathias (Arieh Worthalter) qui tente envers et contre tous de maintenir le dialogue, la jeune fille choisit la chirurgie et l’administration d’hormones pour se forger un corps qui ne la tourmenterait plus à chaque aperçu dans le miroir. Parallèlement, Lara tente de se faire une place dans sa nouvelle école de danse où il lui faut rattraper son retard. Cela ne se fait pas sans douleur comme en témoignent ses pieds ensanglantés et, pour ne pas faciliter son intégration, ses camarades féminines se plaisent à la mettre mal à l’aise. La fatigue prend le dessus et sa frustration de ne constater aucun changement dans sa silhouette la conduit à exécuter un geste désespéré.
Vous l’avez sûrement compris, le rapport au corps est le thème principal de Girl. Que Lara soit une ballerine en plein apprentissage n’est pas anodin. Cette carrière où il lui faut s’affranchir de la peine illustre sa tentative permanente de se dépasser, de repousser ses limites physiques et mentales. En outre, réussir là où les adolescentes excellent lui assurerait qu’elle ne se fait pas d’illusions. Au même titre que ces dernières, elle est une fille même si son anatomie couplée à son absence de poitrine la précipite dans le mal-être. C’est ce que la caméra sans pudeur de Dhont cherche à démontrer en étant extrêmement insistante avec des plans relativement serrés sur le torse et le sexe masculin de la blonde. Ce choix s’est d’ailleurs fait au grand dam de l’association Genres Pluriels et d’autres individus (journalistes, militants) lors de la sortie en salle qui y voient là une « fascination voyeuriste ». L’appareil génital semble donc être un point de focus trop appuyé, discutable et controversé pour satisfaire les premiers concernés par la transition.
Instruire les spectateurs est l’un des atouts des médias, cinéma compris, mais il est vrai que l’œuvre adopte un caractère assez pessimiste comme bien souvent lorsque la transidentité est mentionnée. La protagoniste est le souffre-douleur de danseuses usant de violence psychologique pour la faire prendre une douche parmi elles, allant jusqu’à la piéger pour qu’elle leur montre son pénis au cours d’une soirée. Lara a un comportement autodestructeur, son père pourtant très compréhensif ne suffit pas toujours à la rassurer, son orientation sexuelle est indécise et sa première expérience est pour ainsi dire catastrophique. Tant d’ingrédients empêchant le script de se saisir d’une légèreté qui lui éviterait de se confiner dans un postulat selon lequel « la période de transition est un enfer ». Peu rassurant pour ceux visés qui grinceront sûrement des dents au visionnage.
Cela étant, la distribution excelle en s’investissant à 300% à travers des performances poignantes. Le talent d’un Victor Polster à fleur de peau a maintes fois été souligné, à juste titre tant il se montre convaincant dans son rôle. Il est impossible de juger si lui préférer une fille transgenre aurait changé la donne dans un sens comme dans un autre mais il est certain que son travail doit être applaudi. Girl est une réussite dans sa réalisation tout comme dans son casting et sait appuyer sur la corde sensible. De surcroît, il apporte sa pierre à l’édifice à un genre cinématographique encore peu exploité peinant à trouver un équilibre entre drame et encouragement à s’assumer.
Les éditions commercialisées
Le long-métrage est disponible en haute-définition via un Blu-ray édité par Diaphana. N’est-ce pas là l’essentiel ? La réponse n’est autre qu’affirmative. Bien entendu, les plus exigeants regretteront l’absence de version 4K, de steelbook ou d’une forme d’exclusivité quelle qu’elle soit mais ne crachons pas sur la soupe et profitons de cette chance !
Test Vidéo/Audio
À en croire les informations fournies sur le site IMDb, Girl a été capturé en numérique à l’aide d’une caméra Arri Alexa. Le résultat est propre, réaliste, et avec une tenue correcte. Les détails restitués par la galette bleue confirment au public qu’il a bien affaire à un master HD natif puisque les matières complexes telles que les cheveux et habits ne sont pas floues à l’œil. Cependant, une certaine douceur se dégage des images. Cela ne nuit aucunement au visionnage mais ce choix artistique (ou contrainte technique ?) empêche l’œuvre d’être aussi étourdissante qu’elle pourrait l’être dans des conditions optimales.
Les couleurs sont joliment saturées avec un bleu particulièrement présent lors des instants d’entraînement et répétitions. Les tons froids alternent avec une palette plus chaleureuse selon les besoins, mais ces deux esthétiques ne sont pas dans la surenchère et restent plutôt neutres, authentiques. La photographie de Frank van den Eeden (Le Verdict) est ici très avenante.
La nature intimiste de Girl ne permet pas plus à sa piste DTS-HD 5.1 qu’à celle en DTS-HD 2.0 de proposer une spatialisation à en donner le tournis. Les sons d’ambiance se font assez discrets bien qu’ils soient en totale adéquation avec le visuel. Il est inutile d’en faire des tonnes dans des espaces aussi restreints que la salle de danse sans musique ou au sein de l’appartement familial puisqu’il n’y a pour ainsi dire aucune scène dynamique à l’instar d’une soirée en boîte de nuit qui ferait gronder les enceintes. Finalement, ce qui compte le plus est la compréhension des dialogues et leur placement central. Un point qui ne déçoit pas. Diaphana a fait un excellent travail avec cette atmosphère feutrée mais efficace.
Test Bonus
L’unique supplément répond à des questions qui auraient autrement pu être résolues lors d’un commentaire audio. Le tout n’est pas exhaustif mais saura satisfaire à défaut de mieux. Il aurait été intéressant d’avoir des témoignages de personnes transgenres dans le but de contrebalancer le parti-pris dramatique du film.
- Entretien avec Lukas Dhont, par Laure Adler (émission L’Heure bleue du 21 mai 2018 sur France Inter) (53:36 min) : interview uniquement sonore où le réalisateur revient sur son envie de « toucher les gens » à travers son cinéma, s’exprime sur la transidentité, le tournage et la réaction du public suite à la première projection. Cet entretien étant survenu avant sa sortie nationale, il est dommage de ne pas avoir de témoignages sur l’impact global de Girl.
- Bande-annonce (1:43 min) : en HD.