« On peut faire des miracles avec la foi. Gardons espoir, il faut y croire. » C’est ce que clame « Le Prince d’Égypte », le plus adulte des films d’animation Dreamworks (mais non pas le moins controversé). Le récit explore les aventures de l’une des figures principales de l’Ancien Testament tout en adoptant un timbre sombre dramatique. Nostalgique ou avide de vous constituer une opinion, rendez-vous dans les bacs où ce classique est enfin disponible en Blu-ray.
Autant dire que le studio a mis les bouchées doubles pour Le Prince d’Égypte. Non-contenté d’un trio de réalisateurs, à savoir Brenda Chapman (Rebelle), Steve Hickner (Balto chien-loup, héros des neiges) et Simon Wells (Milo sur Mars), des centaines d’experts en religion et autres professionnels tels que des archéologues ont été consultés lors de son élaboration. Le but étant bien entendu de se rapprocher au maximum des coutumes et apparences de l’époque ainsi que de rester fidèle aux textes sacrés. Le succès est au rendez-vous puisque le budget de 70 millions de dollars pâlit face aux 218,6 millions de recettes internationales récoltées en dépit des critiques divisées.
Le Prince d’Égypte : présentation et critique
Le pharaon Séthi Ier (Patrick Stewart) règne sur une Égypte antisémite où les nouveau-nés hébreux sont assassinés et les plus âgés réduits en esclavage. Les travaux forcés, rythmés par des coups de fouet, n’ont rien d’exceptionnels et nombreux sont les corps déshydratés s’affalant au sol, sans vie. Oui, l’enfer sur Terre pour une population discriminée. Guidée par l’instinct maternel, une mère (Ofra Haza) décide d’abandonner sur le Nil, dans un panier, son enfant baptisé Moïse (Val Kilmer) en priant pour qu’une vie meilleure s’offre à lui. Son souhait semble exaucé puisque ce dernier est recueilli par la famille royale qui l’éduque tel leur fils biologique. Cependant, après avoir grandi dans l’insouciance aux côtés de son frère aîné Ramsès II (Ralph Fiennes) qu’il entraîne dans des situations rocambolesques, le jeune homme découvre la vérité autour de ses origines. Il prend la fuite dans le désert où il est accueilli par des nomades juifs, y compris la belle Tsipora (Michelle Pfeiffer) qu’il épouse. Sa destinée prend un nouveau tournant lorsque Dieu lui ordonne de libérer son peuple en Égypte.
Le Prince d’Égypte offre des scènes de cruauté non-adaptées à un public en bas-âge mais qui ont le mérite de ne pas être (trop) édulcorées. L’introduction constitue un exemple parfait puisqu’elle nous y montre un peuple martyrisé, poussiéreux et exténué. Aucune once d’humour ne se glisse durant ces instants y compris lorsque Moïse en personne assassine l’un de ses sujets afin de protéger un Hébreu. Le cheminement psychologique du personnage est bien mené, passant d’écervelé à torturé pour terminer sa course en tant que leader et protecteur accompli dont la mission triomphe parfois sur son bon sens. Car oui, DreamWorks ne se contente pas d’un simple « gentils vs méchants » comme il était encore d’accoutumé durant les années 90. Les actes du héros ne valent pas mieux que ceux de ses adversaires alors qu’avec l’aide de Dieu il déclenche un fléau assassinant des enfants innocents. La morale paraissant claire jusqu’ici est remise en question et la frontière entre le bien et le mal se floute. Le bain de sang est partagé pour le triomphe de ceux étant présentés comme les victimes. Malgré des modifications apportées au texte original qui demande donc un visionnage non-dénué d’ouverture d’esprit pour les croyants, le studio conserve cette controverse dans son script. La dureté de la guerre.
En adoptant l’usage des chansons typique à la compagnie aux grandes oreilles, le film d’animation perd de son originalité avec une approche plus formatée et commerciale. Par bonheur, les compositions de Hans Zimmer (Gladiator) et l’écriture de Stephen Schwartz (Pocahontas) sont magistrales, allant jusqu’à remporter un Oscar pour le titre When You Believe. La version pop de celui-ci emprunte les voix des célèbres Mariah Carey (L'Étoile de Noël) et de Whitney Houston et la bande originale dans laquelle elle est incluse atteint la 25ème place au classement américain Billboard 200.
Le succès du Prince n’est pas étranger à son casting vocal talentueux. La prestation du Voldemort en devenir, Ralph Fiennes, est particulièrement mémorable tant l’acteur parvient à retransmettre la fierté excessive et l’arrogance d’un Ramsès II obstiné qui reste sourd aux arguments de son frère adoptif. Il ne laissera pas ses esclaves se tirer dans son joug si aisément et en paie chèrement le prix lors d’une scène intense en émotions. La qualité des dessins est aussi à souligner puisqu’ils parviennent à retranscrire l’état d’esprit des individus avec efficacité et sont dépourvus de froideur. Le spectateur se prend d’empathie pour eux, se scandalise en réaction à leur choix et les accompagne dans leur douleur. Un plaisir visuel uniquement terni par des fonds un peu faibles.
Les éditions commercialisées
Il était grand temps pour Le Prince d’Égypte de connaître une sortie en Blu-ray après de bons et loyaux services d’un DVD techniquement dépassé. Ainsi, DreamWorks propose une vague de titres composée de celui-ci, Spirit (2002) et Gang de requins (2004). Tous sont présentés dans de simples boîtiers plastiques bleus, sans fourreaux ni steelbook. Le choix esthétique des jaquettes ne sera pas au goût de chacun car extrêmement simpliste et ne rendant pas justice à la beauté visuelle des œuvres de l’éditeur. Le point positif est que votre collection sera uniforme !
Test Vidéo/Audio
L’arrivée tant attendue du Prince d’Égypte en haute-définition déçoit. Pourtant, l’annonce de la distribution d’une galette bleue lui étant dédiée avait tout pour donner le sourire tandis qu’une remasterisation a été projetée au festival d’Annecy à l’occasion de son vingtième anniversaire. L’ironie veut que cette dernière ne soit tout simplement pas utilisée. DreamWorks se contente ainsi de commercialiser l’antique master mobilisé pour le DVD tout aussi daté. Un Blu-ray préparé au début de la décennie ? À la place d’un spectacle à la hauteur de l’événement, le spectateur assiste à une source limitée par la technologie des années 1990 et souffrant des mêmes poussières et débris. Par comparaison, Anastasia, la réussite animée de 20th Century Fox d’un an son aînée, a bénéficié d’un soin admirable sans s’être autant fait prier puisque éditée pour la première fois sur le support en 2011.
Relativisons. Tout n’est pas aussi terrible qu’il y paraît puisque le Blu-ray apporte son lot d’améliorations, même minces. Le gain en définition permet des contours plus nets, des arrière-plans plus fouillés et un taux de précision supérieur permettant de savourer davantage l’animation traditionnelle. Étant un long-métrage à la qualité artistique indéniable, l’enrichissement des couleurs fait plaisir à voir. Le tout paraît moins uniforme, jaunâtre, avec des tons légèrement étendus. La granularité de l’image est aussi mieux maîtrisée bien qu’une marge d’amélioration aurait été constatée avec le master plus récent. De plus, l’incrustation des effets spéciaux 3D n’a pas énormément vieillit et fournit d’ailleurs l’une des plus belles scènes à savoir l’histoire de Moïse contée par des hiéroglyphes.
Alors que le doublage français doit faire avec un DTS 5.1, l’orchestration de la B.O. prend son envol grâce à la piste originale en DTS-HD 5.1 qui est le plus grand atout de cette édition Blu-ray. L’audience est enveloppée de toute part dans ces numéros musicaux au cours desquels les personnages extériorisent doute, douleur, espoir et joie. D’autres moments tirent leur épingle du jeu, à commencer par la discussion entre Moïse et Dieu dans la caverne donnant lieu à des graves savoureux pour rappeler l’origine divine du second. L’audio du passage de la mer Rouge est aussi épique que le visuel tandis que le dynamisme de la course en chariots fait vibrer les enceintes avec des effets surround à volonté. Les voix sont concentrées au centre et sont parfaitement intelligibles sans distorsion.
Test Bonus
L’intégralité des suppléments proposés est extraite de la sortie DVD de la décennie passée et est, par conséquent, en basse qualité. Ceux possédant l’ancien disque ne trouveront malheureusement aucun intérêt si ce n’est pour une cure de rappel méritante.
- Les coulisses du tournage du Prince d’Égypte (25:39 min) : équipe et distribution s’expriment longuement sur la genèse du projet et sa réalisation en explorant divers départements artistiques : réécritures, doublage, musique et paroles, dessins, CGI... Les images d’archives insufflent à ce supplément une proximité attrayante absente d’un commentaire audio et un brin de nostalgie.
- « Quand tu crois » en multi-langues (5:54 min) : pour illustrer l’exploitation du long-métrage fait en 28 langues, les différentes versions se succèdent lors du même titre dont le finnois, l’anglais et l’hébreu.
- Animation de la course de chars (9:32 min) : aperçu des ébauches non-colorisées et prévisualisations de la scène commentée par les deux réalisateurs masculins. Le duo revient sur la nécessité du passage pour le développement des personnages, les difficultés techniques qu’il pose, l’implication de Steven Spielberg (E.T. l’extraterrestre), etc.
- Gros plan sur la technique (5:58 min) : focus sur l’utilisation des effets spéciaux, de leur développement à leur intégration dans les dessins traditionnels. Les différentes parties sont intitulées « Animation d’effets traditionnels en 2D », « 2D et effets spéciaux », « 3D et effets spéciaux » et « Techniques combinées ». L’intégration d’exemples en fait une curiosité indispensable pour les passionnés du sujet.
- Commentaire sur le film avec les réalisateurs Brenda Chapman, Steve Hickner et Simon Wells : ce complément serait très informatif si DreamWorks l’avait sous-titré. Le trio mentionne par exemple les coupures de scénario, le rythme du récit et l’utilisation de la lumière. Vraiment regrettable.