Après s’être aventuré dans de multiples registres cinématographiques au fil des ans, le réalisateur de « Dans Paris » livre un film à la fois puissant et personnel. N’attendez plus, ruez-vous sur « Plaire, aimer et courir vite » désormais en vente en Blu-ray et DVD.
En 2016, Les Malheurs de Sophie n’était pas parvenu à séduire une foule alors mitigée. Mais Christophe Honoré n’a pas dit son dernier mot. Il revient deux ans plus tard avec Plaire, aimer et courir vite où il met en scène des personnages homosexuels en réponse à la vague d’homophobie déferlant sur le pays. À raison puisque le long-métrage est salué par la critique, rejoint la sélection officielle du festival de Cannes et engrange près de 178 000 entrées en salles.
Plaire, aimer et courir vite : présentation et critique
Alternant entre Rennes et la capitale, le décor prend place durant les années 1990. Un écrivain du nom de Jacques (Pierre Deladonchamps) vit à Paris avec son jeune fils tandis qu’il entretient une profonde amitié avec l’un de ses voisins et confident : Mathieu (Denis Podalydès). Lors d’un déplacement professionnel dans la préfecture de la région Bretagne en plein été, l’attention du protagoniste est attirée par le moniteur de vacances Arthur (Vincent Lacoste), un garçon aux vingt printemps pourtant presque invisible dans cette salle de cinéma obscure. Une complicité s’installe instantanément entre eux alors qu’ils jonglent entre humour, confessions et séduction. Idéal pour ceux désirant des cours de drague. Ils se fichent des étrangers qui les entourent, et encore plus du grand écran qui leur fait face où est projeté La Leçon de Piano (1993). Ils n’ont déjà d’yeux que pour l’autre.
Leur relation évolue rapidement, troquant leur statut d’inconnu contre celui d’amant. Et pour cause puisque les jours du plus âgé sont comptés. Infecté par le virus du SIDA, il ne lui cache pas son état de santé jusqu’à ce que cela se détériore gravement. Il a alors recours à l’aide de son complice pour se dissimuler à la vue d’Arthur lorsque ce dernier débarque chez lui pour y séjourner. Sa manœuvre ne dure pas plus de quelques heures jusqu’à ce qu’il revienne sur sa décision et se confronte à lui. Sera-t-il pardonné ?
Plaire, aimer et courir vite n’a pas une volonté aussi politique que 120 battements par minutes (2017) à qui il est régulièrement comparé. En effet, il met en lumière les liens affectifs d’un trio composé de personnalités complémentaires. À eux seuls, ils illustrent divers pans de cette population marginale qui, dans le contexte du film, commençait peu à peu à s’assumer. Honoré est réputé pour ses personnages tout aussi fouillés que soignés et sa quête à la représentation. Dès lors, les portraits qu’il dresse sont différents.
Riches en nuances, il évite les stéréotypes en leur instaurant un naturel incarné à la perfection par les acteurs. Jacques est un être torturé qui doit assumer de s’être un jour trompé de voie en respectant son statut de père. Il s’est égaré, probablement alors qu’il ne s’acceptait pas soi-même dans une société où l’homosexualité était mal considérée. Souffrant, il est aussi le symbole d’une époque où la prévention de la transmission du VIH était loin d’être courante et où la maladie se propage sans pitié. À son opposé se situe Arthur. Instinctivement désinvolte, il est le reflet d’un second espoir, d’une force incarnée par une jeunesse plus prudente mais non moins passionnée. L’insouciance retranscrite par son interprète lui confère une légèreté tranchant avec le chemin sinistre sans retour sur lequel s’est élancé son compagnon. Quant au fraternel voisin, Mathieu, il se dévoile comme étant tendre, attentionné et étrangement pudique en dépit de ses frasques.
Tous partagent un point commun – en-dehors de leur orientation sexuelle bien sûr - : celle de la recherche du contact physique, des sentiments. Arthur est littéralement le guide idéal puisqu’il dévoile au public les méthodes mobilisées afin de rencontrer des possibles futurs partenaires grâce à ses virées nocturnes à travers la ville. Cet « exposé » de l’ère précédant celle des applications et sites internet n’est pas hasardeux puisque le cinéaste mobilise ses connaissances acquises lors de sa période étudiante à Rennes. Ce tableau est malgré tout assez lugubre puisqu’il appuie sur les pulsions masculines avec leurs histoires d’un soir dénuées de conséquences (si ce n’est le risque de contamination…).
Une urgence se fait ressentir, pour certains comme un souhait d’en profiter au maximum tant qu’ils en ont encore la capacité. De plus, cette course contre la montre induite par le SIDA explique la peur de l’engagement ressentie par le trentenaire. Est-ce que cela vaut vraiment le coup ? Ne condamne-t-il pas celui pour qui il partage des sentiments en l’entraînant dans sa chute ? Fait-il preuve d’égoïsme en le forçant à admirer, impuissant, son déclin continu ? Mais tout n’est pas aussi sombre qu’il n’y paraît. Au contraire, l’œuvre offre de l’humour et des scènes particulièrement émouvantes comme celle partagée par Jacques et Marco (Thomas Gonzalez) dans la baignoire tout en justesse.
D’autres thèmes sont aussi abordés, à commencer par la souvent terrifiante étape du coming out qui n’est ici pas délaissé en la personne d’Arthur. S’il est au départ engagé auprès de la spontanée Nadine (Adèle Wismes), ses refus permanents de la toucher et son indifférence suffit à mettre la puce à l’oreille. Son amour envers l’écrivain lui permet de sortir de son carcan et de se révéler tel qu’il est réellement à ses proches. D’abord vexée, la fille parvient à lui pardonner en lui apportant son soutien. Un aspect plus lourd n’échappe pas lui non plus à son traitement. Celui de la solitude d’une personne face à sa mort. Se voir partir, se sentir faiblir, ne plus être en mesure de mener son existence selon ses désirs… S’impose alors un choix tragique : celui de laisser son sort entre les mains du destin, ou bien s’en saisir et disparaître selon ses propres conditions. Cependant, peu importe les défis ou questions existentielles représentés, le cinéaste n’oublie jamais d’y apporter sa touche caractéristique de douceur et de poésie.
Les éditions commercialisées
Pour la sortie physique de l’œuvre, Ad Vitam et TF1 Vidéo ont planché sur les formats les plus courants : le DVD et le Blu-ray. Tous deux sont disposés dans un boîtier en plastique traditionnel habillé par un fourreau cartonné de qualité. Belle présentation. Il n’existe pas d’exclusivité FNAC, d’éditions étrangères ni de steelbook.
Test Vidéo/Audio
Dirigée par Rémy Chevrin (Le Brio), la photographie de Plaire, aimer et courir vite a été capturée en 35mm d’après le site IMDb. Se traduit ainsi l’intention de coller à l’ère de l’argentique dans laquelle se situe le scénario, aboutissant à une granularité tout même mesurée. En prenant en compte ces caractéristiques techniques, il est impossible de nier que cette copie est d’une grande qualité. La définition est excellente, donnant lieu à des plans détaillés de haute-voltige bénéficiant de textures complexes. En outre, les plans en plein jour au cœur de Paris sont saisissants de par la multitude d’éléments admirablement découpés.
La profondeur de l’image se justifie par des contrastes poussés et un étalonnage convaincant. Si la palette de couleurs renvoie des tons assez naturels, il faut avouer qu’elle tire constamment sur les nuances de gris, verts et bleus rappelant parfois Call Me By Your Name (2017).
Niveau sonore, sont à disposition une piste en audiodescription au format DTS 2.0, et l’audio français original en DTS-HD 2.0 et DTS-HD 5.1. Le manque d’action pure et dure ne permet pas aux basses fréquences de s’en donner à cœur joie. À l’inverse, l’audience prend part à une atmosphère intimiste à la spatialisation assez large mais aux sons d’ambiance discrets. La bande sonore tirée des années 1990 permet de dynamiser le tout, guidé principalement par des dialogues centrés et clairs.
Test Bonus
Les suppléments manquent de richesse et de diversité, mais cela est quelque peu compensé par un entretien conséquent et informatif qui ne manque pas de répondre aux nombreuses questions que se posent les spectateurs. Dommage qu’il n’y ait aucune interview avec la distribution.
- Journal à l’envers (40:42 min) : le critique de cinéma pour Les Inrockuptibles, Jean-Marc Lalanne, mentionne les dates-clés de Plaire, aimer et courir vite avec le réalisateur de façon antichronologique. Sont abordés : les ressentis du casting lors du festival de Cannes, la fin du mixage en janvier 2018 se déroulant dans la crainte de ne pas obtenir les droits musicaux et l’angoisse de la projection au distributeur. Aussi, ils reviennent sur le travail de montage lancé en parallèle du tournage. Selon Honoré, le premier jet s’élevait à 3h15, soit une heure de plus que la version finale. Foule d’anecdotes sont encore livrées telles que la scène ayant le plus terrifié Lacoste, le malaise ressenti par le cinéaste lors des tournages dans des hôpitaux, sa déception fasse au retrait de Louis Garrel (Mal de pierres) du projet, mais également sa proximité avec le long-métrage.
- Bande-annonce (1:26min) : en HD.