Immersion imminente au cœur du Japon et de sa pauvreté. Le drame familial qui a bouleversé la Croisette en 2018 a achevé son exploitation en salle et rejoint désormais les foyers français. Quoi de mieux pour (re)savourer « Une affaire de famille » que de se procurer le Blu-ray signé Le Pacte ? Pour sûr : vous n’en sortirez pas complètement indemnes.
Nul doute que le réalisateur et scénariste Hirokazu Koreeda est l’un des favoris du festival de Cannes. Après y avoir étourdi le jury avec Tel père, tel fils (2013) et reçu de multiples nominations visant à décrocher la Palme d’Or depuis 2001, Une affaire de famille marque l’apogée de la reconnaissance de sa carrière. Avec la récompense en poche ainsi qu’une nomination aux Oscars, le box-office se montre généreux avec des recettes mondiales estimées par JP's Box-Office à plus de 65,5 millions de dollars. Une réussite.
Une affaire de famille : présentation et critique
La vie n’est pas rose pour tous à Tokyo. Au sein d’une maison désordonnée et dépourvue de moyens financiers importants se trouve une famille non-intégralement liée par la génétique mais davantage par amour et intérêt. La figure paternelle, Osamu Shibata (Lily Franky), fait office de mentor auprès du jeune Shota (Jyo Kairi) auquel il apprend l’art légal du vol à l’étalage. C’est d’ailleurs en rentrant de l’une de leurs « missions » qu’un soir d’hiver ils croisent le chemin d’une fillette, abandonnée et affamée : Yuri Hojo (Miyu Sasaki). Après le refus par sa femme Nobuyo (Sakura Andô) de garder l’enfant le temps d’une nuit, celle-ci change d’avis lorsque la grand-mère et propriétaire Hatsue (Kirin Kiki) découvre des marques sur ses bras. Tous se concertent et décident de lui laisser le choix de s’installer avec eux. Ce qu’elle accepte. Ce nouveau membre apporte un vent de fraîcheur et une nécessité d’ajustements dans le foyer dont l’adolescent en paiera le plus fortement le prix, jaloux et déboussolé par l’attention que sa dite petite-sœur s’attire. Cependant, ce n’est rien comparé à l’intervention de la police qui aura de fâcheuses conséquences. Dès lors rien ne sera plus comme avant tandis que les vieux et sordides secrets du couple sont déterrés.
La dynamique du groupe est le focus principal d’Une affaire de famille et, pour bien l’installer, le script n’oublie pas de développer ses personnages pour que chacun ait sa propre personnalité bien définie. Dans cet ordre d’idée, les scènes au travail permettent de les contempler seuls ou autrement accompagnés. Par exemple, on y découvre une Aki (Mayu Matsuoka) comme robotisée durant ses shows érotiques, agissant tel un simple fantasme masculin face à un client dissimulé à sa vue. Pourtant, c’est avec une délicatesse émouvante qu’elle réagit en confidente, constatant le mal-être de ce dernier qui en vient à lui pleurer sur les cuisses. La jeune femme met sa fierté de côté dans l’unique but de ramener de l’argent mais n’en est pas déshumanisée pour autant. C’est un être sensible et empathique, le cœur de la maison comme en témoigne son émotion suite au décès d’une proche.
Ainsi, le public est en mesure de comprendre ce que chacun y trouve en se faisant une place dans ce cercle très fermé. Qu’on-t-il à y gagner d’un point de vue individuel ? Une sensation de stabilité, de la compagnie, un moyen pour survivre, de la complicité et l’absence de violences physiques parmi d’autres. Alors oui, des liens sincères se tissent entre eux comme l’atteste la splendide scène aux performances d’une terrible justesse entre Yuri et Aki face aux flammes symbolisant la chaleur ressentit par ce duo, mais ils sont ternis par un soupçon d’utilitarisme voire de dépendance. Cela étant dit, existe-il réellement des relations désintéressées à 100% ? Chacun en retire un petit quelque chose même si ce n’est pas forcément aussi drastique qu’ici.
La connexion entre Osamu et Shota est extrêmement satisfaisante tant elle illustre cette traction entre besoin et affection avec simplicité. Le garçon arrive au chapitre de la puberté et ne trouve des réponses qu’auprès de celui qui le pousse à l’appeler « papa » sans succès. Il lui apprend à rester en vie (bien que les moyens employés soient douteux), l’aide à grandir, à avoir confiance en lui évitant de rejeter Yuri, à ne pas s’endurcir, etc. Tout serait idyllique si, avec une maturité se développant avec l’âge, il n’en arrivait pas à questionner la moralité des actes de son aîné et de son enseignement. Une vraie prise de conscience rendant la désacralisation d’autant plus douloureuse quand il apprend qu’il comptait l’abandonner pour échapper à la justice. Cet homme n’est pas sans défaut. Ce point de repère n’est pas si infaillible qu’il le pensait et le réaliser ne lui donne d’autres choix que de marquer ses distances.
Les éditions commercialisées
Pas de Blu-ray 4K à l’horizon pour Une affaire de famille mais en plus du Blu-ray standard et du DVD, Le Pacte s’est allié au marchand FNAC afin de proposer une édition spéciale. Procédure relativement rare et à saluer de l’éditeur pour les collectionneurs à l’affût. Le disque supplémentaire exclusif (qui n’est malheureusement pas en HD peu importe le support choisi) n’offre pas des minutes additionnelles avec l’équipe du film ni des scènes inédites, mais une interview inédite conséquente avec le critique Thierry Méranger des Cahiers du Cinéma. À noter que les prix sont identiques aux versions basiques. Pourquoi donc s’en priver ?
Test Vidéo/Audio
À en croire les informations fournies par IMDb, Une affaire de famille a été capturé en argentique 35mm par le biais d’une pellicule Kodak Vision3 500T puis finalisé en 2K. Ce procédé impacte sur la texture de l’image, plus granuleuse que via un tournage numérique. Le master ne cherche pas à gommer cet aspect plus organique en abusant d’un lissage dévastateur comme il a pu être constaté pour plusieurs Blu-ray depuis une décennie (Predator par Fox, tu es dans la ligne de mire). La palette de couleurs semble même le mettre d’autant plus en évidence avec un étalonnage accentuant les nuances de vert parfois très appuyées notamment lors des scènes sombres en intérieur. Oui, le visuel de l’œuvre n’est pas toujours des plus naturels mais n’en est cependant pas désagréable pour la rétine.
Le piqué fait plaisir à regarder avec ses gros-plans chirurgicaux décrivant à la perfection des visages juvéniles opposés à ceux reflétant un âge avancé aux rides caractéristiques. La luminosité lors des splendides plans en extérieur, incluant les minutes poétiques à la plage, est régulièrement élevée -trop pour les goûts de certains peut-être- ce qui tend à aplatir quelque peu l’image à l’occasion. Autrement, la qualité vidéo excelle et ne manquera pas de séduire son public plongé dans les rues d’un Tokyo aussi immense qu’éclectique.
En-dehors de l’audiodescription en DTS 2.0, le doublage français et la piste originale en japonais sont au format récurrent DTS-HD 5.1. Cette dernière surprend par son dynamisme, dépassant les attentes attribuées à un métrage dramatique de ce type. Si les dialogues sont centrés, la musique de Haruomi Hosono (Nausicaä de la vallée du vent) et autres sons contribuant à l’immersion de l’audience sont incroyablement spatialisés dans l’espace en-dehors des scènes d’intérieurs, plus intimistes et feutrées. Le tout est vif, percutant, avec des surrounds exploités de façon optimale et des basses fréquences vibrantes donnant vie à une partie audio remarquable.
Test Bonus
La galette bleue n’est tristement pas très généreuse en compléments. Elle fait tout de même mieux que ses équivalents allemands et britanniques qui en sont eux totalement dénués, en particulier si l’acheteur opte pour l’exclusivité FNAC avec sa demi-heure bonus. Dommage qu’il n’existe aucun making-of ou commentaire audio permettant de creuser davantage.
- Entretien avec Hirokazu Kore-Eda, extrait de l'émission « Story Movies » (04:36 min) : le réalisateur revient sur la notion de la famille avec des éléments biographiques.
- Entretien avec Kore-Eda (Ciné +) (02:20 min) : extrêmement brève, cette featurette permet au cinéaste d’aborder les thèmes de son long-métrage et ses personnages.
- Galerie de photos de tournage (01:02 min) : onze photographies capturées lors du tournage en lecture automatique uniquement.
- Bande-annonce (01:57 min) : en HD.
- Regard sur Kore-Eda Hirokazu, par Thierry Méranger (Cahiers du Cinéma) (31:02 min) : le critique cinéma explore le passé de l’homme de ses origines à l’évolution et la nature de sa filmographie (son style artistique avec notamment les travellings, la musique, les sujets retranscrits, etc.). Seulement disponible en DVD, ce supplément dirigé par Victor Lamoussière et Manon Lhoumeau est en qualité standard.
- Livret (non-fourni lors du test) : dossier sur le film avec des photos et un entretien avec Hirokazu Kore-Eda.